An hini oa aet da welet e vestrez d'an ifern (1)
Celui qui alla voir sa maîtresse en enfer (1)
 


Sklezrijenn euz ann ef breman a c'houlennan,
Euz ar Werc'hez-Vari, wit gallout esplikan

Un exempl pitoïabl e-touez an dut iaouank,
Da gement 'zo er bed ur mezelour patant.


Em darempredi rent en ho bugaleaj,
Dre ma teuent en oad, a rent c'hoas davantaj,

Em darempredi rent koulz en noz hag en de,
Hep diskouez nep doujanz euz a c'halloud Doue.

Met un dra gri deuaz ewit ho separi;
Ar plac'h den da verwell, iaouank ha dizoursi.

Pa well ann den iaouank marw he vestrez fidel,
E em strinkaz 'n ur gouent, e-touez an dut zantel,

Lec'h ma pede Doue, koulz en noz hag en de,
'N esper gwelt he vestrez, 'vel pa oa en buhe.

Un de m'oa ar c'hloarek en pedenn en he gambr,
An Diaoul aparisaz en giz d'un den iaouank.

- Pegement, eme-z-han, a roï-te din-me
Wit gwelet da vestrez, 'vel pa oa en buhe? -

- Me a zo ur paour keiz n'am euz ket a voïenn,
N' 'm euz met ur blatinenn c'houezet en aour-melenn;

Nep raï din hi gwelet, hep kavet nep ofanz,
Hen do ma flatinenn, o ia en asuranz. -

Tapout 'ra krog en-han evel en ur bugel,
Nijell a ra gant-han dreist ann tier uhel.

Arruout a rejont 'n un ale vraz meurbed,
Er penn-all an-ez-hi un or vraz houarnet.

P'arruaz 'tal an or, d'ez-han eo digorret,
Dre m'oa euz an ifern un diaoul inkarnet:

Mont a eure gant-han en ur gambr a goste,
Lec'h ni' welaz he vestrez, vel pa oa en buhe;

Laket oe ar c'hloarek a goste en ur gambr,
Lec'h ma wel he vestrez en ur gador ardant.

- Laret din, ma mestrez, ha c'hui 'c'h euz aze poan,
Seblantout a ra din ez oc'h en kreiz an tan? -

- Oh! ia sur, eme-z-hi, mad hallet kredi-ze,
Me n'am euz tam repoz nag en noz nag en de. -

- Petra ann traou hudur 'zo ouz ho tiou-skouarn,
Iffom dac'h ho pisaj, ho tried hag ho taouarn" -

- Holl serpanted 'nn ifern am devor de-ha-noz,
N'am euz ket digant-he ur momet a repoz;

Ma zreid ha ma daouarn, ma izili 'samblez,
A zo 'vel un houarn o tont euz ar forniez ! -

- Laret d'in, ma mestrez, na ve ket a voïen
Da dont d'ho delivra a boaniou ann ifern,

Gant iün hag orezon, pedennou mad laret,
Aluzon d'ar baourienn, oferniou selebret? -

- Iünou, orezonou, pedennou mad laret,
Na reont met kreski poan un ine daonct. -

- Adieu ta, ma mestrez, pa 'z eo red partia,
C'hoant 'm euz d'ho ambrasi wit ar wes diweza? -

- Salv-ho-kraz, servijer, wit-ze na refet ket,
Rag gant tan an ifern c'hui a ve sur dewet. -

- Adieu ta, ma mestrez, pa eo red partia,
Me 'reï h' gourc'hemenou d'ho c'hoarik bihanna.

- Oh ia, ma servijer, oh! ia, na vanket ket,
Grit ma gourc'hemenou, ha deuz ma feurz laret,

Na vo ket familier re gant ar galanted,
Gant aoun, siouas Maria, na ve iwe daonet! -



Le sujet

CELUI QUI ALLA VOIR SA MAITRESSE EN ENFER.

J'implore la lumière du ciel
Et l'assistance de la Sainte-Vierge, pour pouvoir exposer

Un fait digne de pitié, parmi les jeunes gens,
Un exemple patent pour tous ceux qui sont dans ce monde.


Ils se fréquentaient dès leur enfance,
Et à mesure qu'ils avançaient en âge, ils le faisaient encore davantage.

Ils se fréquentaient la nuit comme le jour,
Sans montrer aucune crainte de la puissance de Dieu.

Mais une chose cruelle vint les séparer,
La fille vient à mourir, jeune et sans souci.

Quand le jeune homme vit son amie morte,
Il se jeta dans un couvent, parmi les hommes saints;

Et là il priait Dieu nuit et jour,
Dans l'espoir de revoir son amie, comme quand elle était en vie.

Un jour que le kloarek était en prière, dans sa chambre,
Le Démon lui apparut, sous la forme d'un jeune homme.

- Combien, lui dit-il, me donnerais-tu
Pour voir ton amie, comme quand elle était en vie? -

- Je ne suis qu'un pauvre homme et je n'ai pas de biens
Je n'ai qu'une patène soufflée en or jaune;

Celui qui me fera voir mon amie, sans qu'il m'arrive de mal,
Aura ma patène, ô oui, en assurance. -

Il le prend, comme un enfant,
Et s'envole avec lui par-dessus les hautes maisons.

Ils arrivèrent dans une avenue très-grande,
Avec une grande porte garnie de fer, à l'extrémité.

Quand il arriva près de la porte, elle lui fut ouverte,
Parce qu'il était un diable incarné de l'enfer;

Il le conduisit dans une chambre, à l'écart,
Où il vit son amie, comme quand elle était en vie

Le kloarek fut mis dans une chambre, à l'écart,
Où il voit son amie sur un siège de feu !

- Dites-moi, mon amie, souffrez-vous dans ce lieu,
Car il me semble vous voir au milieu du feu ? -
- Oh! oui, certes, dit-elle, vous pouvez bien le croire,
Je n'ai pas un seul instant de repos, ni la nuit, ni le jour. -

-Qu'est-ce que ces choses repoussantes qui sont à vos oreilles,
Et qui souillent votre visage et vos pieds et vos mains ? -

- Tous les serpents de l'enfer me dévorent, jour et nuit,
Sans me laisser un seul moment de repos;

Mes pieds, mes mains, tous mes membres
Sont comme le fer qui sort de la fournaise ! -

- Dites-moi, mon amie, n'y aurait-il pas moyen
De vous racheter des supplices de l'enfer,

Par des jeûnes, des oraisons, de bonnes prières,
L'aumône aux pauvres, et la sainte messe? -

- Les jeûnes, les oraisons, les bonnes prières
Ne font qu'accroître les peines d'une âme damnée. -

- Adieu donc, mon amie, puisqu'il faut partir,
Je voudrais bien vous embrasser une dernière fois? -

- Sauf votre grâce, mon serviteur, vous ne ferez point cela,
Car vous seriez brûlé par le feu de l'enfer. -

- Adieu donc, mon amie, puisqu'il faut partir;
Je donnerai de vos nouvelles à votre jeune sceur. -

- Oh ! oui, mon serviteur, oh! oui, n'y manquez pas,
Donnez-lui de mes nouvelles, et lui dites de ma part

De n'être pas trop familière avec les galants,
De crainte, hélas ! Marie, d'être aussi damnée! -

Chanté par Marie-Job Kado, vieille mendiante
Keramborgne, 1844.


Source

Musique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
Luzel a recueilli les paroles auprès de Marie-Job Kado, vieille mendiante, de Keramborgne, en 1844.
Duhamel donne 4 versions de l'air
Celui-ci a été noté par le colonel Bourgeois