Ar breur hag ar c'hoar (2)
Le frère et la soeur (2)
 




Mab ar Roue a lavare
En Coadelez pa arrue :
- Demad ha joa holl en ti-ma,
Merc'h ar Roue pelec'h ema ? - (1)

- Medi duze bars ar gambr-wenn,
Nag o kribad hi bleo-melenn ;
Man o kribad hi bleo-melenn,
Ha titira al lienn-gwenn. -

- Mab ar Roue, vel ma klewaz,
Gant ar vinz d'ann nec'h a bignaz ;
Gant ar vinz d'ann nec'h a bignaz,
Kerkent d'ann traon a ziskennaz. -

- Me n'eo ket hounnes a glaskann ;
Merc'h ar Roue, ar verc'h henan,
Merc'h ar Roue a Goadelez,
Oa choumet ama minorez. -

Na mar d'eo hounnes a glasket,
Falla feumelenn a gavfet.
Et eo 'boe 'r beure, beure-mad,
'Wit kannann un neubeud dillad.....

- Ma ouijenn-me ann hent d'al lenn,
Me aprouvfè ar feumeulenn. -
It gant ann âle, hed-a-hed,
Ebars ar c'hoad a em gavfet ;

Ha pa vefet arru er c'hoad,
C'hui a glewo trouz ar pez-koad ;
C'hui a glewo trouz ar pez-koad,
Gant-hi o skei war hi dillad. -

Demad, plac'hik diwar al lenn,
C'hui a gann gwenn hag a wask stenn ;
C'hui a gann gwenn hag a wask stenn,
C'hui a saonvfe d'inn ma brondenn ? -

- Na gannann gwenn , na waskann stenn,
Na saoninn ket d'ac'h ho prondenn.
- Sellet-c'hui euz ma mantell du,
A zo alaouret en daou-du , -


- Na rann van euz ho mantel du,
Mui ma rann euz ur boud burlu ! -
- Sellit euz ma inkane gwenn,
'Zo ur brid-arc'hant en he benn.

- Na rann van ho inkane-gwenn,
Kerneubeud 'rann euz he berc'henn ! -
- Deut-c'hui ganin-me bars ar c'hoad,
Hag a c'honefet ur gobr mad -

- Wit-on da veza kannerez,
Ma zad a zo en he balez. ... .

Me 'm euz ur breurik en pell-bro,
Aotro, mar klewje ho komzo,
Ho tiframje a bechadou,
Da lakad 'war ar c'hroaz-hentjou ! -

- Me eo ho preurik a bell-bro,
'Zo deut ama 'wit ho ampro ;
Ho lez-vamm d'in-me 'doa laret
Ez oac'h plac'h-fall , ha n'ez oc'h ket !

Kriz vije 'r galon na oelje,
Etal al lenn nep a vije,
O welet ar breur hag ar c'hoar
En em vriata gant glac'har ! (3)
Le fils du Roi disait,
En arrivant à Coadelez : (2)
- Bonjour et joie à tous dans cette maison,
Où est la fille du Roi ? -

- Elle est là-haut dans la chambre blanche,
A peigner ses blonds cheveux ;
Elle est à peigner ses blonds cheveux,
Et à détirer le linge blanc.

Le fils du Roi, à ces mots,
Monta l'escalier tournant ;
Il monta l'escalier tournant,
Et le redescendit aussitôt.

- Ce n'est pas là celle que je cherche :
La fille du Roi, sa fille aînée,
La fille du Roi, de Coadelez,
Qui était restée ici, mineure.

- Si c'est là celle que vous cherchez,
C'est la plus mauvaise fille que vous puissiez trouver.
Elle est allée depuis ce matln, de bonne heure,
Pour laver quelque peu de linge.....

- Si je connaissais le chemin de l'étang,
J'irais éprouver la femelle. -
- Suivez l'avenue tout au long:
Vous vous trouverez dans un bois :

Et quand vous serez dans ce bois,
Vous entendrez le bruit de son battoir ;
Vous entendrez le bruit de son battoir,
Avec lequel elle bat son linge.

- Bonjour, jeune fille sur l'étang,
Vous lavez blanc et tordez roide ;
Vous lavez blanc et tordez roide,
Voudriez-vous me savonner ma chemisette?

- Je ne lave pas blanc, je ne tords pas roide,
Je ne vous savonnerai pas votre chemisette -
- Voyez mon manteau rouge,
Qui est doré des deux côtés. -


Je ne fais cas de votre manteau rouge,
Plus que ne fais d'une tige de digitale !
- Voyez ma haquenée blanche
Avec une bride d'argent en tête ! -

- Je ne fais cas de votre haquenée blanche,
Plus que ne fais de son maître ! -
- Venez avec moi dans le bois,
Et vous gagnerez un bon gage.

- Bien que je sois lavandière,
Mon père habite un palais.. . . .

J'ai un frère chéri en pays lointain,
Monsieur, et s'il entendait vos paroles,
Il vous mettrait en pièces,
Qu'il disperserait dans les carrefours ! -

- C'est moi votre frère chéri de pays lointain,
Qui suis venu ici pour vous éprouver :
Votre marâtre m'avait dit
Que vous étiez une fille perdue, et vous ne l'êtes point ! -

Dur eût été le coeur de celui qui n'eût pleuré,
S'il eût été auprès de l'étang,
En voyant le frère et la soeur
S'embrasser avec douleur (bonheur).



Le sujet


Voir la traduction

Notes de Luzel

(1) Ar Roue, Le Roi, doit être ici un nom propre.

(2) Il existait un manoir noble de Coadelez en la commune de Drenec.

(3) Ce sujet, la reconnaissance du frère et de la soeur, après une longue absence, - sept ans ordinairement, - a été très-souvent traité, comme celui du mari et de la femme, par la poésie populaire de presque tous les pays. Je me contenterai de citer, comme offrant beaucoup d'analogie avec notre chanson bretonne, la ballade écossaise de Lord Thomas et de la Gentille Annie, et surtout les deux pièces contenues dans le recueil de M. le comte de Puymaigre, Chants populaires du pays Messin (pag. 54 et 56), sous le titre de l'Epreuve. Mais la comparaison est tout à l'avantage de la jeune bretonne, comme moralité du moins. Une autre pièce, une ballade suédoise, insérée dans le recueil de M. X. Marmier, Chants du Nord (p. 175), aussi sous le titre de l'Epreuve, présente un dénouement plus conforme à celui du chant breton.


Source

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
Chanté par Jeanne Le Gall, à Keramborgne, en 1849
Air recuilli par Duhamel auprès de Marie-Jeanne Le Bail, de Port-Blanc. Il note : Marie-Jeanne chantait : "Voulez-vous, bardère ?" et, comme je lui demandais le sens de ce vers, se borna à me répondre : "Eun diskan gallek ê !" (c'est un refrain français). Pas plus que Maryvonne Le Flem, Marie-Jeanne ne sait le français