Ar Vinorezig (2)
La petite mineure (2)
 



I

Me oa 'r bugelik iaouank-flamm,
Pa varwaz ma zad ha ma mamm;

Oblijet oann da glask ma boed,
Kapabl d'hen gonit na oann ket.

Ma oann leusket war ann hent-braz,
War ann hent-braz ewit em glask.

Pa oann diskennet en hent doon,
Me o rankontr tud-a-feson;

O rankontr aotro hag itron,
Pa oann diskennet hent doon;

Ma laraz 'nn aotro d'ann itron
- Sell aze 'r bugel-a-feson;

Hi c'homerromp ganimb 'n hon zi,
'Vel d'hon bugel greomp d'ez-hi. -

II

Pa oann bet tric'houec'h miz 'n ho zi,
Oa gret un habit newez din

Me a oa maget ha gwisket,
'Vel pep-hini ann-he bewet.

P'oann bet tric'houec'h vloaz en ho zi,
(Tri bloaz war-n-ugent 'm boa neuze)

Laraz ma mestr mad d'am mestrez
- Poent e dimizi 'r vinorez,

Rei d'ei noblanz ar Feunteuniou,
Kaera noblanz a zo er vro;

Kaera noblanz a zo er vro,
Un darn, itron, euz hon mado. -

Ma laraz neuze ma mestrez :
- N' vo ket dimet ar vinorez;

N' vo ket dimet ar vinorez,
Ken 'vo bet ganimb 'n pardon Agnez;

Bep-bloa 'teu ganimb d'ar pardon,
Dre m'eo ur bugel-a-feson...,. -

Pa arruaz ebars ar c'hoad,
'Teu c'hoant-housket d'am mestrez-vad;

Me 'c'h azeza war ar c'hlazenn,
Tapout hi fenn war ma barlenn;

Tapout hi fenn war ma barlenn,
Hag a vanaz kousket soudenn

O tont un dra da laret d'in
- Laz da vestrez, zent a-ouz-in

Laz da vestrez, zent a-ouz-in,
Hag itron en hi flaz e vi ! -

Euz ann dra-ze am euz zentet,
Ma mestrez vad am euz lazet;

Ma mestrez vad am euz lazet,
Seiz taol-kontel d'ei 'm euz roët.

P'am boa lazet ma mestrez vad,
Na ouienn pelec'h hi lakad.

O tont un dra da laret d'in,
Dre ma oann ken nec'het gant-hi;

- Na kerz te gant-hi d'ar poull-glaou,
Ha kuz 'nn ez-hi gant deilou-kraou. -

Me a ieaz neuze d'ar pardon,
Doue 'ouie ma intention.

Me o rankontr ma mestrik mad,
O kana hag o c'huibanad;

O kana bag o c'huibanad,
Me 'roaz d'ez-han kalonad !

- Ma mestrez vad a zo lazet,
Bars ar c'hoad, gant ar forbaned

Me vije iwe, penamet
E-meaz ar c'hoad am euz redet.

- Ma vijac'h bet fidel d'ez-hi,
C'hui vije lazet koulz ha hi ! -

Ma mestrik mad, p'hen euz klewet,
Ter-gwes d'ann douar 'zo koezet;

Ter-gwes d'ann douar eo koezet,
Hag am euz-han bep-gwes savet :

- Tawet, mestrik, na oelet ket,
Me ho servijo 'vel bepred;

Met n'inn ket ganec'h da gousket,
Ken 'vomp dimet hag eureujet. -

III

Sevel 'ra 'tre-z-he prepoziou
Na diwar-benn ann dimiziou.

Pa oant dimet hag eureujet,
Hi poent da vonet da gousket,

'C'h antrenn ar c'horf maro en ti,
Ha seiz sierj koar dira-z-hi;

Seiz sierj allum dira-z-hi,
Unan a oa war bep-gouli.

- Savet al lec'h-se, minorez,
C'hui oc'h euz lazet ho mestrez;

C'hui 'c'h euz lazet ho mestrez-vad,
Tamallet d'ar forbaned er c'hoad

Hi friet, pa hen euz klewet,
'Meaz he wele a zo zavet;

En ur fuzul ez eo kroget,
En aviz hi lazan eo et :

Met ar c'horf maro 'n euz laret :
- Ma fried paour, n' hi lazet ket,

Met hi leusket da glask hi boed,
Etre Cavan ha Tonquedec (1),

Lec'h na vezo ket anvezet,
M' tamanto hi c'horf d'hi fec'het ! -



Le sujet

LA PETITE MINEURE.

PREMIÈRE VERSION



I

J'étais une enfant toute jeune encore,
Quand moururent mon père et ma mère.

Je fus obligée de mendier mon pain,
Car je n'étais pas capable de le gagner.

On m'abandonna sur le grand chemin,
Sur le grand chemin, pour chercher ma vie.

Comme je marchais dans un chemin creux,
Je rencontrai des gens de bonne mine;

Je rencontrai un monsieur et une dame,
Etant descendue dans un chemin creux ;

Et le monsieur dit à la dame :
- Voilà une enfant qui a bonne mine;

Prenons-là avec nous dans notre maison,
Et traitons-la comme notre propre enfant. -

II

Quand j'eus été dix-huit mois dans leur maison,
On me fit un habit neuf:

J'étais entretenue, habillée
Et nourrie comme chacun d'eux.

Quand j'eus été dix-huit ans dans leur maison,
(J'avais alors vingt-trois ans)

Mon maître dit à ma maîtresse :
- Il est temps de marier la mineure,

Lui donner la noblesse des Fontaines,
La plus belle noblesse du pays;

La plus belle noblesse du pays,
Avec une partie de nos biens. -

Et ma maîtresse dit alors :
- La mineure ne sera pas mariée;

La mineure ne sera pas mariée,
Jusqu'à ce qu'elle ait été avec nous au pardon de Sainte-Agnès;

Chaque année elle vient avec nous au pardon,
Parce qu'elle est une honnête fille..... -

En arrivant dans le bois,
Ma maîtresse fut prise de sommeil :

Je m'assis sur le gazon,
Et elle appuya la tête sur mes genoux;

Elle appuya la tête sur mes genoux,
Et s'endormit aussitôt.

Quelque chose vint alors qui me dit
- Obéis-moi et tue ta maîtresse;

Crois-moi, tue ta maîtresse,
Et tu seras dame à sa place ! -

J'ai obéi à cette voix,
Et j'ai tué ma bonne maîtresse;

J'ai tué ma bonne maîtresse,
Je lui ai donné sept coups de couteau

Quand j'eus tué ma bonne maîtresse,
Je ne savais où la cacher.

Vint alors une chose qui me dit,
En voyant mon embarras :

- Porte-là au trou à charbon,
Et la couvre avec des feuilles de noisetier. -

J'allai alors au pardon
Dieu seul connaissait ma pensée.

Je rencontrai mon bon maître,
Qui chantait et qui sifflait

Il chantait et il sifflait,
Et moi je lui navrai le cceur!

- Ma bonne maîtresse a été tuée,
Dans le bois, par les brigands!

Moi aussi je l'aurais été,
Si je n'avais couru hors du bois.

- Si vous lui aviez été fidèle,
Vous eussiez été tuée comme elle ! -

Mon bon maître, à cette nouvelle,
Est tombé trois fois à terre;

Il est tombé trois fois à terre,
Et à chaque fois je l'ai relevé :

- Mon bon maître, ne pleurez pas,
Je vous servirai comme toujours;

Mais je n'irai pas coucher avec vous,
Jusqu'à ce que nous soyons fiancés et mariés.

III

Bientôt des propos s'élèvent entre eux,
Au sujet de mariage.

Quand ils furent fiancés et mariés,
Prêts de se mettre au lit,

Voilà que le corps mort entre dans la maison,
Précédé de sept cierges allumés;

Sept cierges allumés précédaient,
Et sur chaque blessure il y en avait un autre.

- Levez-vous de là, mineure,
Vous avez tué votre maîtresse;

Vous avez tué votre bonne maîtresse,
Et vous en avez accusé les brigands du bois ! -

A ces mots, son mari
A quitté son lit ;

Il a saisi son fusil,
Avec l'intention de la tuer:

Mais le corps mort a dit :
- Mon pauvre mari, ne la tuez pas,

Mais laissez-la chercher son pain
Entre Cavan et Tonquédec,

Là où personne ne la connaîtra,
Afin que son corps expie son crime ! -



(1) Deux communes des environs de Lannion.

Source

Musique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
Luzel a recueilli les paroles de cette version auprès de Jeanne Le Gall, Plouaret, 1853
Air recueilli par Duhamel auprès de Maryvonne Nicol, de Plouguiel