Janed ar Wern (2)
Jeanne le Guern (2)
 

I
- Ter noz zo takenn n' 'm euz kousket,
Ha fenoz arre na rinn ket,

Nag o klewet ann aer-wiber,
O c'huibanad war lez ar ster.

Ha ma lare dre he c'huiban,
Na euz dimizi 'med unan ;

'N hini zime da daou da dri
Ez ia d'ann ifern da leski ;

'N hini zime da bemp, da c'houec'h,
A zo daonet perpetuel ;

'N hini zime da c'houec'h, da seiz,
'Zo distag euz Doue a-grenn ;

'Zo distag euz Doue a-grenn,
Evel ar brank euz ar Wezenn. -

II
Janet 'r Wern 'zo arre dimet :
Da choaz dillad eured eo et ;

Et eo da choaz dillad eured,
Kaera er stal a vo kavet.

P'oa o retorn euz ker Gwengamp,
'Tigwezout gant-hi 'n den iaouank ;

'Tigwezout gant-hi 'r mal iaouank,
War he viz ur walenn arc'hant.

Ar mal iaouank a c'houlenne,
Euz Janet 'r Wern p'hi rankontre :

- Janet ar Wern, d'in-me laret,
Pelec'h 'z oc'h bet, pe-lec'h ez et ? -

- Me zo retorn euz ker Wengamp,
Bet o c'hoaz ma dillad eured ;

Bet o c'hoaz ma dillad eured,
Kaera er stal a ve kavet. -

- M'ho bije a-c'hanon pedet,
Me 'iaje iwe d'ho eured. -

- Mar na oc'h-c'hui ket bet pedet,
Deut warc'hoas 'r beure, hag vefet. -

Kement blijaz d'he fantazi,
M'hi c'honduaz beteg hi zi ;

Beteg hi zi eo gant-hi et,
Allas ! piou 'oa na ouie ket !

Ar mal iaouank a lavare
En hent d'ez-hi na dre ma 'z ee :

- Janet 'r Wern, m' vije d'ho reket,
Ni vije hon daou dimezet. -

- Na 'z eo ket ebars ann hentjou
A dle bout gret ann dimiziou ;

Me 'zo beo ma mamm ha ma zad,
Vont war al lec'h, rok 'rinn kontrad.

Me, 'me-z-han 'zo beo m' re iwe,
Med n' c'houlennann ket ho c'honje ! -
. . . . . . . . . . . . . . .

Ar mal iaouank a lavare,
Bars ar c'hroaz-hent pa 'z arrue :

- Janet ar Wern, kontant 'vefet.
A vezimb hon daou dimezet ? -

- Na n'eo ket bars ar c'hroaz-hentjou
A dle bout gret ann dimiziou ;

Me 'zo beo ma mamm ha ma zad,
A renkont bezan er c'hontrad. -

- Me a zo beo ma re iwe
Med n' c'houlennan ket ho c'honje. -
. . . . . . . . . . . . . . .

III
Ar mal iaouank a vonjoure
'N ti Janet ar Wern p'arrue :

- Roët d'in skabel d'azeza,
Serviedenn d'em dic'houeza ;

Serviedenn d'em dic'houeza,
Mar be me mab-kaër ann ti-ma :

Me blijo d'ac'h, d'ho zantimant,
Me roïo d'ac'h aour hag arc'hant ;

Me roïo d'ac'h aour hag arc'hant,
Ha mado ar pez ho po c'hoant ;

Me blijo d'ac'h ha d'ho speret,
Aour, arc'hant po 'r pez a garrfet. -

- C'hui a vije a-walc'h d'am grad,
M'ho bije gwennou daoulagad :

Gwennou daoulagad n'oc'h euz ket,
Ho treid a zo vel treid kezek !

IV
'N aotro 'r person a c'houlenne
Euz ar mal iaouank, p'hen gwele :

Petra 'glaskes war-dro ma zi ?
Me na ian morse d'as hini. -

- Me a zo ac'hann a bell-bro,
Ma breudeur-all 'zo evel-t-on ;

Me a zo ac'hann a bell-bro
Mab Lusufer eo ma hano. -

'N aotro 'r person a c'houlenne
Euz Janedik ar Wern neuze :

- Janet ar Wern, d'in-pe laret
Petra pec'het oc'h euz nac'het. -

- N'am euz nac'het pec'het abed,
Med seiz dimizi am euz gret ;

Me am euz gret seiz dimizi,
Heb ober kontrat euz hini :

Heb ober kontrat euz hini,
Med ar wes-ma, siouas a rinn !

V
Pa 'z ia Janet 'traon gant 'n iliz
Ez ia ken kaer ha fourdeliz ;

Pa 'z ia d'ann nec'h gant ann aoter,
Ez ia ken du ha Lusufer.
. . . . . .

VI
- Ur banket kaer a-walc'h 'zo bet,
Med ar vroeg eured 'zo kollet ! -

Ann aër-wiber a lavare
Da zonerrienn 'n eured neuze :

- M'oc'h euz c'hoant gwelet Janet 'r Wern,
Deul ganin da fons ann ifern ! -

Ann aer Wiber a lavare
Da Janet ar Wern p'arrue :

- Petra d'zoneréen ho eured 'rofet ?
Janet ar Wern, d'in-me laret. -

- Petra d'ez-he a ve roët
Med ma gwalenn, ma chapelet ;

Ma gwalenn ha ma chapelet
Ewit kass d ar ger, d'am fried?

Ewit kass d'ar ger d'am fried,
D'ar c'henta am boa prometet ! -

Euz hi gwalenn, hi c'hapelet,
Ker-kent ma ez eo diskroget,

Ur griadenn a deuz leusket,
En punz ann ifern eo kouezet,

En em laret : - Ah ! iaou ! allas !
Poaniou ann ifern a zo braz ! -
I
Voilà trois nuits que je n'ai dormi goutte,
Et cette nuit je ne le ferai pas encore,

En entendant la Vipère
Qui siffle au bord de la rivière.

Et elle disait par son sifflement
Qu'il n'y a de bonnes fiançailles qu'une seule fois ;

Celui qui se fiance à deux, à trois,
Va brûler dans l'enfer ;

Celui qui se fiance à cinq, à six
Est damné éternellement ;

Celui qui se fiance à six, à sept,
Est complètement détache de Dleu ;

Est détaché de Dieu aussi net,
Que l'est la branche de l'arbre. -

II
Jeanne Le Guern est encore fiancée :
Elle est allée choisir ses habits de noces ;

Elle est allée choisir ses habits de noces,
Tout ce qu'on trouvera de plus beau dans la boutique.

Comme elle s'en retournait de la ville de Guingamp,
Elle rencontra un jeune homme ;

Elle rencontra un jeune homme,
Qui avait au doigt un anneau d'argent.

Le jeune homme demanda
A Jeanne Le Guern, quand il la rencontra :

- Jeanne Le Guern, dites-moi,
Où avez-vous été, où allez-vous ? -

- Je reviens de la ville de Guingamp,
Où j'ai été choisir mes habits de noces ;

J'ai été choisir mes habits de noces,
Tout ce que j'ai trouvé de plus beau dans la boutique. -

- Si vous m'aviez invité,
J'irais aussi à votre noce. -

- Si vous n'avez pas été invité,
Venez demain matin et vous le serez. -

Elle lui plut si bien,
Qu'il la conduisit jusqu'à sa maison ;

Il l'a accompagnée jusqu'à sa maison ;
Hélas elle ne savait pas qui il était !

Le jeune homme lui disait,
En la reconduisant :

- Jeanne Le Guern, si c'était votre bon plaisir,
Nous serions fiancés ensemble, tous les deux. -

- Ce n'est pas sur les chemins
Que doivent se faire les fiançailles ;

Moi j'ai mon père et ma mère vivants ;
Et ils seront sur les lieux avant que je m'engage. -

- Et les miens aussi sont vivants:
Mais je ne demande pas leur permission. -
. . . . . . . . . . . . . . . .

Le jeune homme disait,
En arrivant dans un carrefour:

- Jeanne Le Guern, voulez-vous
Que nous soyons fiancés ensemble, tous les deux ? -

- Ce n'est pas dans les carrefours
Que doivent se faire les fiançailles ;

Moi j'ai mon père et ma mère qui vivent encore,
Et il faut qu'ils assistent au contrat. -

- Les miens aussi vivent encore,
Mais je ne demande pas leur consentement. -
. . . . . . . . . . . . . . .

III
Le jeune homme souhaitait le bonjour,
En arrivant chez Jeanne Le Guern :

- Donnez-moi un escabeau pour m'asseoir,
Et une serviette pour essuyer la sueur ;

Et une serviette pour essuyer la sueur,
Si je dois être gendre dans cette maison ;

Je vous plairai à souhait,
Car je vous donnerai de l'or et de l'argent ;

Je vous donnerai de l'or et de l'arpent,
Et des biens autant que vous en désirerez ;

Je vous plairai à souhait,
Car vous aurez de l'or et de l'argent à discrétion -

- Vous seriez assez à mon gré,
Si vos yeux avaient des blancs ;

Vos yeux n'ont pas de blancs,
Et vos pieds ressemblent à ceux des chevaux ! -

IV
Monsieur le curé demanda
Au jeune homme, quand il le vit :

- Que cherches-tu autour de ma maison ?
Moi je ne vais jamais à la tienne. -

- Je suis d'un pays qui est bien loin d'ici,
Et tous mes frères me ressemblent ;

Je suis d'un pays qui est bien loin d'ici,
En mon nom est fils de Lucifer. -

Monsieur le curé demandait
A Jeanne Le Guern, en ce moment :

- Jeanne Le Guern , dites-moi
Quel est le péché que vous avez nié ? -

- Je n'ai nié aucun péché,
Mais j'ai été fiancée sept fois ;

J'ai été fiancée sept fois,
Sans jamais tenir ma parole ;

Sans passer contrat avec aucun,
Mais cette fois, hélas ! il faudra le faire !

V
Quand Jeanne descend dans le bas de l'église,
Elle est belle comme la fleur de lys ;

Quand elle monte vers l'autel,
Elle devient noire comme Lucifer !
. . . . . .

VI
- Le banquet a été assez beau ,
Mais la jeune mariée est perdue ! - -

La Vipère disait
Aux sonneurs de la noce, en ce moment :

- Si vous voulez voir Jeanne Le Guern
Venez avec moi au fond de l'enfer ! -

La Vipère disait
A Jeanne Le Guern, en arrivant :

- Que donnerez-vous à vos sonneurs de noces,
Jeanne Le Guern, dites-le moi ? -

- Et que puis-je leur donner,
Si ce n'est mon anneau et mon chapelet ;

Mon anneau et mon chapelet,
Pour les porter à mon époux !

Pour les porter à mon époux,
Le premier à qui j'avais fait promesse ? -

De son anneau et son chapelet
Aussitôt qu'elle s'est dessaisie,

Elle a poussé un cri,
Et est tombée au fond du puits de l'enfer,

En disant : - O douleur ! hélas !
Les peines de l'enfer sont grandes ! -




Le sujet

JEANNE LE GUERN.

Voir la traduction NOTES ET VARIANTES
Une autre version donne ainsi la finale de cette ballade :

Pa oant gant ann hent o vonet,
Ar gompagnonez 'n euz laret :

- Jannet ar Wern, em diouallet,
Ur gwall briet gavfann 'c'h euz bet !

N'eo ket henvel euz ur c'hristenn,
Daoulagad diaoul 'zo 'n he benn ! -

Dre m' tosta Janet d'ann iliz,
Hi a oa kaer 'vel fourdeliz ;

Dre m' tosta d'ann aoter,
Hi a iee du 'vel Lusifer !

- Gant-oc'h, Guern-koz, 'on saouezet,
O welet petra oc'h euz gret,

Roët ho merc'h da Lusufer,
Laket 'nn ez-hi 'n ker braz mizer !
. . . . . . . . . . . . . .
Pa lak' hi gwalen war hi biz,
Saoueze kement oa 'n iliz.

Ober eure ur iouc'hadenn
A oa spontuz, war bouez hi fenn !

Meaz ann iliz p'eo sortiet,
Komanz da grial a deuz gret :

- Dewi a rann kig hag eskern,
Me 'zo un' 'vemprou ann ifern ! -

Ann douar a zo digoret,
En punz ann ifern eo kouezet !

- Seiz promese faoz am boa gret,
Hep beza hini eureujet ;

Ann eizvet am euz eureujet.
D' 'nn ifern gant-han renkann monet !

Me ia gant 'nn eizvet d'ann ifern,
Ewit dewi kig-hag-eskern ! -
Comme ils allaient par le chemin,
La compagnie disait :

- Jeanne Le Guern, prenez garde à vous,
Je trouve que vous avez là un singulier mari !

Il ne ressemble pas à un chrétien,
Il a des yeux de démon dans la tête !

Quand Jeanne approchait de l'église;
Elle était belle comme la fleur de lys.

Mais à mesure qu'elle approchait de l'autel,
Elle devenait noire comme Lucifer !

- Je suis bien surpris avec vous, vieux Le Guern,
En voyant ce que vous avez fait ;

Avoir donné votre fille à Lucifer,
Et l'avoir mise en si grande infortune ! -
. . . . . . . . . . . . . .
Quand elle mit son anneau à son doigt,
Tous ceux qui étaient dans l'église furent effrayés ;

Elle poussa un cri,
Un cri épouvantable, de toutes ses forces !

Et quand elle sortit de l'église,
Elle se mit encore à crier :

- Le feu consume ma chair et mes os,
Je suis un membre de l'enfer ! -

La terre s'est entr'ouverte,
Et elle est tombée dans le puits de l'enfer !

- J'ai fait sept fausses promesses,
Sans épouser aucun :

Mais le huitième, je l'ai épousé,
Et il faut aller avec lui en enfer !

Je vais avec le huitième, en enfer,
Pour y brûler chair et os ! -
Chanté par Marie-Job Kado, Keramborgne, 1849


Une autre version dêbute ainsi :

Jannedik ar Wern a lare
D'ar belek iaouank un dez oë :
- Ter noz 'zo takenn n' 'meuz kousket, etc.

ce qui donne à croire que c'est en confession qu'elle lui parle. Dans cette même version, le premier à qui elle a fait promesse s'appelle : Ervoan ar Bihan, de Saint-Brieuc.
Rapprocher cette ballade de celle contenue dans le Barzaz Breiz sous le titre de La Fiancée de Satan


Source

Musique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel ; chanté par Menguy et Léon, de Carhaix

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868 ; recueilli à Keramborgne en 1849