Janedig ar Rouz (1)
Jeannette Le Roux (1)
 




I

Selaouet holl hag a klewfet
Ur werz a zo newe-zavet,
'Zo gret da Janedik ar Rouz,
Braoa plac'h 'vale 'n hi farouz.

Janedik ar Rouz a lare
D'hi zad, d'hi mamm, ur zul 'r beure :
- Red eo laret na oc'h ket fur,
Lakad de ma eured d'ar zul ;

Ha c'hui o klewet a bell-zo
Ema 'nn aotro Tremblai er vro ;
Ha c'hui o klewet, o welet
'Ma 'nn aotro Tremblai 'klask ma c'havet ! -

Hi zad hag hi mamm a laraz
Da Janet 'r Rouz, 'vel ma komzaz :
- Bet drouk gant ann nep a garo,
Ho eured d'ar zul a vezo;

Ho eured vezo d' boennt ann de,
N' vo ket Tremblai war ar bale..... -

II

Janedik ar Rouz a lare
D'ann aotro person ' zul 'r-beure :
- Hastet-c'hui, aotro, depechan,
C'houeza 'nn tan er mech a glewann ! -

N'oa ket hi gir peurlavaret,
Oa leun 'nn iliz hag ar porchet;
Oa leun 'nn iliz hag ar porchet
Gant Tremblai hag he zoudardet.

Ann aotro Tremblai a lare
D'ann aotro 'r person, en de-se :
- Aotro 'r person, d'in-me laret,
Pelec'h ' ma ar wreg a eured ? -

Ann aotro person a laraz
D'ann aotro Tremblai, p'hen klewaz :
- Aotro Tremblai, ma iskuset,
Eureuji d'ar Zul na rann ket ;

Eureuji d'ar Zul na rann ket,
Ur vadeziant eo am euz gret. -
Aotro person, gaou a laret,
Janedik 'r Rouz 'c'h euz eureujet ;

Rentet Janedik 'r Rouz ama,
Pe me ho lazo da genta ;
Pe me ho lazo da genta,
Gant hi zad, hi mamm 'ma ama. -

Janedik ar Rouz a lare
D'ann aotro Tremblai eno neuze :
- Aotro Tremblai, mar am c'haret,
Ma lest mont war vur ar vered ;

Ma lest mont war vur ar vered,
Da laret adieu d'am fried. --
- War vur ar vered n' iefet ket,
Diwar lost ma marc'h kimiadfet ! -

Janedik ar Rouz a lare
D'ann aotro Tremblai eno neuze :
- Ma lest da vont c'hoaz en iliz,
Da gimiadi euz ma broïz. -

- Wit en iliz na iefet ket,
Diwar lost ma marc'h kimiadfet ;
Ganin 'teufet war lost ma marc'h
Kriet, garmet, goelet ho kwalc'h ! -

Janedik ar Rouz a lare,
D'ann aotro Tremblai eno neuze :
- Aotro Tremblai, mar am c'haret,
Ur gontel d'in-me a rofet ;

Ur gontel d'in-me a rofet,
'Wit troc'ha zeïenn ma eured;
'Wit troc'ha zeïenn ma eured
A zo bet war-n-on re-stardet. --

'Nn aotro Tremblai p'hen euz klewet,
Ter gontel d'ez-hi 'n euz diskoet;
Unan troad-duz, unau troad-gwenn,
Un' all c'houezet en aour-melenn ;

En hini troad-du 'z eo kroget,
En hi c'halon deuz-hi plantet!
Pa zistroas 'nn aotro en dro,
Oa Janedik war hi geno!

Ann aotro Tremblai a lare
Da Janet 'r Rouz eno neuze :
- Tric'houec'h (3) groeg-eured 'm euz laeret,
Janedik 'r Rouz ann naontekvet ;

Janedik 'r Rouz, ann diveza,
'Laka ma c'halon da ranna ! -
I

Ecoutez tous, et vous entendrez
Un gwerz nouvellement composé,
Qui a été fait à Jeanne Le Roux,
La plus jolie fille qui marche dans sa paroisse.

Jeanne Le Roux disait
A son père et à sa mère, un dimanche matin :
- Il faut dire que vous n'êtes pas sages,
De fixer pour le jour de ma noce un dimanche;

Et pourtant vous entendez dire depuis longtemps
Que le sieur La Tremblaie (2) est dans le pays;
Et pourtant vous entendez dire et vous voyez
Que le sieur La Tremblaie cherche à m'avoir ! -

Son père et sa mère dirent
A Jeanne Le Roux, sitôt qu'elle parla :
- Le trouve mauvais qui voudra,
Votre noce sera faite le dimanche;

Votre noce sera au point du jour,
La Tremblaie ne sera pas encore levé..... -

II

Jeanne Le Roux disait
A monsieur le recteur, le dimanche matin :
- Hâtez-vous, monsieur, faites diligence,
J'entends mettre le feu à la mèche ! -

Elle n'avait pas fini de parler,
Que l'église et le porche étaient pleins;
Que l'église et le porche étaient pleins
Des soldats de La Tremblaie.

Le sieur La Tremblaie disait
A monsieur le recteur, ce jour-là :
- Monsieur le recteur, dites-moi,
Ou est la femme de noce ? (la nouvelle mariée) -

Monsieur le recteur répondit
Au sieur La Tremblaie, quand il l'entendit :
- Monsieur La Tremblaie, excusez-moi,
Je ne marie pas le dimanche;

Je ne marie pas le dimanche,
C'est un baptême que j'ai fait. -
- Monsieur le recteur, vous mentez,
Vous avez marié Jeanne Le Roux;

Rendez-moi ici Jeanne Le Roux,
Ou je vous tuerai d'abord;
Ou je vous tuerai d'abord,
Car elle est ici avec son père et sa mère. -

Jeanne Le Roux disait
Au sieur La Tremblaie, là, en ce moment :
- Monsieur La Tremblaie, si vous m'aimez,
Laissez-moi aller sur le mur du cimetière;

Laissez-moi aller sur le mur du cimetière,
Pour dire adieu à mon mari. -
- Sur le mur du cimetière vous n'irez pas,
Vous ferez vos adieux de dessus la croupe de mon cheval! -

Jeanne Le Roux disait
Au sieur La Tremblaie, là, en ce moment :
- Laissez-moi aller encore dans l'église,
Pour faire mes adieux à mes compatriotes. -

- Dans l'église vous n'entrerez pas,
Vous ferez vos adieux de dessus la croupe de mon cheval ;
Vous viendrez avec moi sur la croupe de mon cheval
Criez, sanglotez, pleurez à satiété ! -

Jeanne Le Roux disait
Au sieur La Tremblaie, là, en ce moment :
- Monsieur La Tremblaie, si vous m'aimez,
Vous me donnerez un couteau;

Vous me donnerez un couteau,
Pour couper ma ceinture de noce;
Pour couper ma ceinture de noce,
Qu'on a trop serrée sur moi. -

Le sieur La Tremblaie, quand il a entendu,
Lui a montré trois couteaux,
Un à manche noir, un à manche blanc,
Un autre en or jaune soufflé :

C'est celui à manche noir qu'elle a pris,
Et elle se l'est plongé dans le coeur !
Quand le sieur La Tremblaie se détourna,
La pauvre Jeanne était couchée sur la bouche!

Le sieur La Tremblaie disait,
A Jeanne Le Roux, en ce moment:
- J'ai enlevé dix-huit jeunes mariées,
Jeanne Le Roux est la dix-neuvième;

Jeanne Le Roux, la dernière,
Me brise le coeur ! -



Le sujet


Voir la traduction

Notes de Luzel
(1) Une version de cette chanson, extraite de la collection de M. de Penguern, a été publiée dans l'Athenaeum français, en 1855. Elle diffère peu de la nôtre.

(2) Le sieur La Tremblaie dont il est question dans cette chanson était un des plus célèbres capitaines tenant pour le roi, en Bretagne, sous la Ligue. Il défendit vaillamment Moncontour contre les entreprises du duc de Mercoeur. En l'année 1591, secondé par un corps de troupes anglaises, envoyé par la reine d'Angleterre, sur la demande des Etats de Nantes, il enleva l'île de Bréhat aux Ligueurs. La tradition locale veut que la scène qui a fourni le sujet de notre gwerz se soit passée à Paimpol, où séjourna à cette époque le capitaine La Tremblaie. Du reste les deux premiers vers de la seconde version le disent clairement :
Les plus jolies filles qui soient sous le soleil,
Sont les filles de Le Roux, de Paimpol.

(3) Ou aura bien certainement remarqué déjà comme le mot tric'houec'h, dix-huit, mot-à-mot trois six, revient souvent dans nos chants populaires bretons.

Source

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
Chanté par Jeanne LE GALL. - Keramborgne, 1848.

Musique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel. Chanté par M. Caurel, de Plouguernevel. Phono F. Vallée