Kanaouenn an Anaon
Le chant des Trépassés
 

An' Tad ar Mab ar Spered-Glan,
Yec'hed mat deoc'h, tud an ti-mañ,
Yec'hed mat deoc'h war bouez hor penn
Deut omp d'ho lakaat er bedenn.

Pa sko ar Marv war an nor,
Stok er c'halonoù ar c'hren-mor;
Da doull an nor pa zeu 'r marv,
Piv gant ar marv a yelo ?

Hogen, na vec'h ket souezhet
Da doull ho tor mard omp digoue'et :
Jezuz en deus hon degaset,
D'ho tihunañ mard oc'h kousket;

D'ho tihunañ, tud an ti-mañ,
D'ho tihunañ, bras ha bihan :
Mar 'z eus, siwazh, truez er bed,
En an' Doue ! hor sikouret

Breudeur, kerent ha mignoned,
En an' Doue ! hor selaouet
En an' Doue, pedet ! pedet !
Rak ar vugale na reont ket.

Gant ar re hon eus-ni maget,
Ed omp pell zo ankounac'haet
Gant ar re hon eus-ni karet,
Hep truez ez omp dilezet.

Ma mab, ma merc'h, c'hwi zo kousket
War ar pluñv dous ba blot-meurbet,
Ha me ho tad, ha me ho mamm,
Er purkator e-kreiz ar flamm.

C'hwi zo er gwele kousket aez,
An Anaon paour zo diaez,
C'hwi zo er gwele kousket mat
An anaon paour zo divat.

Enl liñser wenn ha pemp plankenn,
Un dorchenn blouz dindan ho penn,
Pemp troatad douar war c'horre,
Setu madoù ar bed er bez.

Ni zo en tan hag en anken
Tan dindanomp, tan war hor penn,
Ha tan war laez, ha tan d'an traoñ ;
Pedet evit an anaon !

Gwechall pa oamp e-barzh ar bed,
Ni boa kerent ha mignoned
Hogen bremañ, p'ed omp marvet
Kerent, mignoned, n'hon eus ket.

En an' Doue, hor sikouret
Pedet ar Werc'hez benniget
Da skuilhañ ul lomm eus he laezh,
Ul lomm war an anaon kaezh.

Eus ho kwele prim dilammet,
War ho taoulin en em strinket,
Nemet koue'et e vec'h er c'hleñved,
Pe gant ar marv kent galvet.


Le sujet

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, bonne santé à vous, gens de cette maison; bonne santé nous vous souhaitons : nous venons vous mettre en prière.
Quand la Mort frappe à la porte, tous les cœurs sont frappés d'effroi ; quand à la porte se présente la Mort, qui la Mort doit-elle emporter ?
Mais, vous, ne soyez pas surpris si nous sommes venus à votre porte : c'est Jésus qui nous envoie pour vous éveiller, si vous dormez ;
Vous éveiller, gens de cette maison ; vous éveiller, grands et petits ; s'il est encore, hélas ! de la pitié dans le monde, au nom de Dieu ! secourez-nous.
Frères, parents, amis, au nom de Dieu ! écoutez nous ! au nom de Dieu ! priez ! priez ! car les enfants, eux, ne prient pas.
Ceux que nous avons nourris nous ont depuis longtemps oubliés ; ceux que nous avons aimés nous ont sans pitié délaissés.
Mon fils, ma fille, vous êtes couchés sur des lits de plume bien doux, et moi, votre père, et moi, votre mère, dans les flammes du purgatoire.
Vous reposez là mollement, les pauvres morts sont bien mal ; vous dormez là d'un doux sommeil, les pauvres morts sont dans la souffrance.
Un drap blanc et cinq planches, un bourrelet de paille sous la tête et cinq pieds de terre par-dessus, voilà les seuls biens de ce monde qu'on emporte au tombeau.
Nous sommes dans le feu et l'angoisse ; feu sur nos têtes, feu sous nos pieds, feu en haut et feu en bas ; priez pour les trépassés
Jadis, quand nous étions au monde, nous avions parents et amis; aujourd'hui, que nous sommes morts, nous n'avons plus de parents ni d'amis.
Au nom de Dieu ! secourez-nous ! Priez la Vierge bénie de répandre une goutte de son lait, une seule goutte sur les pauvres trépassés.
Sautez vite hors de votre lit, jetez-vous sur vos deux genoux; à moins que vous ne soyez malades ou appelés déjà par la mort.


Source

Chanson extraite du "Barzhaz Breizh", le premier grand recueil de chansons bretonnes, publié par Hersart de la Villemarqué (Kervarker en breton) en 1839