Kimiad an ene
Le départ de l'âme
 


Didostait da glevet kanañ an disparti
A ra an ene mat pa ea maez deus an ti.(bis)

Eñ a ra ur sellig, ur sellig ouzh an traoñ,
Da gomz ouzh e gorf paour zo war e wele klañv.

AN ENE

Siwazh ! deut eo, va c'horf, an termen diwezhañ :
Ret eo din az kuitaat, ha kuitaat ar bed-mañ.

Klevet a ran taolioù morzholig an Ankou
Mevelet eo da benn, yen-sklas da vuzelloù.

Ken euzhus eo da zremm, ker glas da zaoulagad ;
Siwazh dit-te ! va c'horf, ret eo din az kuitaat.

AR C'HORF

Mard eo euzhus ma dremm, ha glas ma daoulagad,
Gwir a lavaret-hu, ret eo deoc'h ma c'huitaat.

Dispriz ha dizanav e kavit ho mignon;
Karget a sioù fall, siwazh! evel ma'z on.

An heñveledigezh zo mamm ar garantez ;
Pa n'he c'havit ganin, em lezet a gostez.

AN ENE

Salokras, mignon ker, me n'ho tisprizan ket
Eus ar c'hourc'hemennoù n'hoc'h eus hini torret,

Hogen Doue a venn, meulomp e drugarez,
Lakaat fin d'am c'halloud ha d'ho sujedigezh.

Setu ni disparet gant ar marv digar,
Setu me unanik tre 'n neñv hag an douar,

Tre 'n neñv hag an douar evel ar goulmig c'hlas
A eas maez eus an arc'h da c'hout ha glav oa c'hoazh.

AR C'HORF

Hogen ar goulmig c'hlas en-dro oa distroet
D'an arc'h lec'h ma oa kent, ha c'hwi na reot ket.

AN ENE

Ober a rin avat, touiñ a rann-me dit,
Benn ar varn diwezañ me'n em gavo ganit.

N'en em gavo ganit, ker gwir ma' z an bremañ
Dirak ar varn gentañ, siwazh ! ken a grenan

Bez fisiañz, va mignon; mor-blaen goude gwalarn;
Dont a ran-me neuze da begiñ en da zorn ;

Pa vefez 'vel houarn, pa vin me bet en neñv,
Evel ur meanig-tenn me az tenno ganin.

AR C'HORF

Pa vin-me, ene kaezh, en ur bez astennet
Ha dre vreignadurezh en douar dispennet ;

Pa n'am bezo na biz, na dorn, na troad, na brec'h
Diwezat a vo deoc'h fallout ma c'has ouzh krec'h.

AN ENE

Neb a grouas ar bed, heb skouer na danvez,
En deveus ar c'halloud d'az ober a nevez.

Neb az anaveze, en amzer na oas ket,
A c'hello da gavout e-lec'h na vezi ket.

Ni 'n em gavo ker gwir, ker gwir ma 'z an bremañ,
Dirak ar varn c'harv, siwazh ! ken a grenan !

Ken a grenan, siwazh ! ken ven ha ken dister
Hag an delien lammet gant ur barrad-amzer.-

Doue glev anezhan, Doue respont buhan ;
- Ai ta, ene paour, ne vi ket pell e poan -,

Te 'peus ma servijet dre 'm out bet war ar bed,
Ha bremañ te po lod eveus ma joausted.-

Hen d'ober, o pignat, ur sell c'hoazh ouzh an traoñ,
Ha gwelet e gorf paour stegnet war ar varskaoñ.

AN ENE

- Demat dit-te, va c'horf, demat a laran dit,
Distreiñ a ran en-dro, gant kalz truez ouzhit.

AR C'HORF

- Tevet, o ene kaezh, gant komzoù alaouret,
Poultr ha breignadurezh n'eus keer truez ebed.

AN ENE

- Salokras, o va c'horf, dellezout a rez 'vat
Kerkoulz hag ar pod-pri oe ennañ louzoù-mat


AR C'HORF

Kenavo 'ta, buhez, kenavo pa 'z eo ret !
Doue d'ho c'has d'al lec'h m'hoc'h eus c'hoant da vonet

C'hwi vo dihun bepred, me, siwazh ! a gousko !
N'am ankounac'hit ket, hag hastit an distro.

Na penaos a rit-hu, livirit-hu din-me ?
Ken drant ouzh ma c'huitaat, ken digonfort on-me

AN ENE.

- Eskemmañ drein garv gant rozennoù 'm eus graet
Ha gant mel meurbet dous ur vestl c'hwerv-meurbet.-

Neuze, laouen ha skañv evel un alc'houeder ;
An ene sav, e sav, e sav e-barzh an aer.

Hag evel m'eo degoue'et, skeiñ a ra war an nor,
Ha d'an aotrou Sant Per hi a c'houlenn digor.

AN ENE.

Oh ! c'hwi ' aotrou Sant Per, a zo karantezus,
C'hwi am digemero e baradoz Jezuz ?

SANT-PER.

E baradoz Jezuz e vi digemeret,
Rak tra ma oas er bed e zigemer c'heus graet.-

Hag en ur vonet tre eñ a zistro en-dro,
Hag a wel e gorf paour 'vel ur bern douar-goz.

AN ENE.

Kenavo dit, va c'horf, ha da drugarekaat ;
Kenavo, kenavo da draonienn Jozafat.

Me glev ur veuleudi 'vel na glevis he far,
Tizh zo war ar c'houmoul, ar gouloù deiz a bar !

Setu me o vleuniañ evel ur boudig roz
A-hed gwazh ar Vuhez e liorzh ar baroz.



Le sujet

Venez entendre chanter le départ de l'âme bienheureuse au moment où elle quitte sa demeure.
Elle abaisse un peu son regard, son regard vers la terre, pour parler à son pauvre corps, qui est au lit malade.

L'ÂME
Hélas ! mon corps, voici l'heure dernière venue ; il faut que je te quitte et que je quitte ce monde. J'entends les coups du petit marteau de la Mort : ta tête tourne ; tes lèvres sont froides comme glace.
Ton visage est horrible ; tes yeux sont verdâtres; hélas ! mon pauvre corps, il faut que je te quitte.

LE CORPS
Si mon visage est horrible, si mes yeux sont verdâtres, vous dites vrai, il faut que vous me quittiez. Vous ne reconnaissez plus, vous méprisez votre pauvre ami; hélas ! je suis si défiguré.
La ressemblance est mère de l'amour; puisque vous n'en avez plus avec moi, laissez-moi à l'écart.

L'ÂME
Non, cher ami je ne vous méprise pas; de tous les commandements vous n'avez violé aucun;
Mais Dieu veut (bénissons sa bonté), Dieu veut mettre un terme à mon autorité et à votre sujétion. Nous voilà désunis par la mort sans pitié ; me voilà toute seule entre ciel et la terre,
Entre le ciel et la terre, comme la petite colombe bleue qui s'envola de l'arche pour aller voir si l'orage durait encore.

LE CORPS
Oui ; mais la petite colombe bleue revint à l'arche, et vous ne reviendrez pas vers moi.

L'ÂME
Je reviendrai, vraiment, je te le jure; je me retrouverai avec toi au jour du jugement;
Je me retrouverai avec toi, aussi vrai que je vais maintenant paraître au jugement particulier, ce qui me fait hélas ! trembler !
Aie confiance, ami; après le vent du nord-ouest, la mer devient calme; je viendrai te donner la main;
Et quand même tu serais aussi lourd que du fer, lorsque j'aurai été dans le ciel, je t'attirerai vers moi comme un aimant.

LE CORPS
Quand je serai, chère âme, étendu dans la tombe et détruit en terre par la corruption;
Quand je n'aurai ni doigt, ni main, ni pied, ni bras, ce sera vainement que vous essayerez de m'élever à vous.

L'ÂME
Celui qui a créé le monde, sans modèle ni matière, a le pouvoir de te rendre ta première forme;
Celui qui t'a connu lorsque tu n'étais pas, pourra bien te trouver où tu ne seras pas,
Nous nous reverrons alors, aussi vrai que je me rends maintenant devant le terrible tribunal ; aussi vrai, hélas! que j'en tremble!
Aussi vrai que j'en tremble, hélas ! aussi faible, aussi frêle que la feuille emportée par un coup de vent. -
Mais Dieu entend l'âme ; Dieu lui répond bien vite: - Courage, pauvre âme, tu ne seras pas longtemps en peine;
Tu m'as servi pendant que tu étais au monde ; maintenant tu vas avoir part à mes félicités. -
Et l'âme toujours s'élevant, de jeter encore un regard vers en bas, et de voir son pauvre corps couché sur les tréteaux funèbres.

L'ÂME
Bonjour, mon pauvre corps, bonjour, je retourne la tête, par grand4pitié pour toi.

LE CORPS
Cessez, chère âme, cessez de m'adresser des paroles dorées ; poussière et corruption sont indignes de pitié.

L'ÂME
Sauve ta grâce, ô mon corps, tu en es vraiment digne, digne comme le vase de terre qui a renfermé des parfums.

LE CORPS
Adieu donc, ô ma vie, adieu, puisqu'il le faut ; que Dieu vous mène aux lieux où vous souhaitez d'aller. Vous serez toujours éveillée ; mais, hélas ! je dormirai! ne m'oubliez pas, et hâtez l'heure du retour.
Mais comment êtes-vous, dites-moi ? Vous paraissez si gaie de me quitter, et moi je suis si triste !

L'ÂME
J'ai échangé des ronces contre des roses, et du fiel très amer contre du miel très doux. -
Alors, gaie et vive comme une alouette, l'âme monte, monte, monte encore vers le ciel.
Une fois arrivée, elle frappe à la porte, et demande à entrer à monseigneur saint Pierre.

L'ÂME
O vous, seigneur saint Pierre, vous qui êtes si bon, vous me recevrez, n'est-ce pas, dans le paradis de Jésus ?

SAINT PIERRE
Oui, tu sera reçue dans le paradis de Jésus, car lorsque tu étais au monde, tu l'as reçu chez toi.
L'âme, au moment d'entrer, détourne encore la tête, et voit son pauvre corps, comme une taupinée.

L'ÂME
Au revoir, mon corps, et merci ! Au revoir, au revoir, dans la vallée de Josaphat.
J'entends des concerts, tels que je n'en entendis jamais ; les nuages fuient, le jour brille !
Me voilà fleurissant comme un rosier au bord du ruisseau de la Vie, dans le jardin du paradis.


Source

Extrait du "Barzhaz Breizh", le premier grand recueil de chansons bretonnes, publié en 1839 par Hersart de la Villemarqué