Marc'harid Lauranz (2)
Marguerite Laurent (2)
 




I
Selaouet, hag a klewfet, hag a klewfet kana
Ur werz a zo bet savet a newez wit ar bloa,
Da Varc'haridik Lauranz, staget ouz ar potanz,
'B'lamour d'ur c'houvert arc'hant , laeret euz ann noblanz.

II
Ar c'hloaregik a lare, pa dremene 'r potanz :
- Bennoz Doue war d'ine, Marc'haridik Lauranz !
Bennoz Doue war d'ine, Marc'haridik Lauranz,
Ni hon euz bet gret hon daou 'lies meur a dro danz ! -

- N'oc'h euz ket affer, kloarek, d' bedi war ma ine,
Me zo ken euruz aman ha ma 'z oc'h-c'hui aze;
Me zo tri dez ha ter noz ama diouz ar groug,
Met dre c'hraz zantes Anna n'am euz ket bet a zroug !

It-c'hui brema kloaregik, it brema d'ann noblanz,
Da lakad ma distaga breman ouz ar potanz. -

III
Ar c'hloaregik a lare, p'oa arru en noblanz :
Me zo digasset ama 'beurz Marc'harit Lauranz,
Zo tri de ha ter nozwez duman diouz ar groug,
Met dre c'hraz zantes Anna na deuz ket bet a zrouk. -

Ar Senechal a lare d'ar c'hloarek, en de-se :
- N'as kredinn ket, kloaregik, o laret kement-se,
Ken 'gano 'r c'habon rostet ' zo aze war ar plad,
N as kredinn ket m'hen tou', kloaregik ar gaouiad ! -

Na oa ket he c'hir gant-han c'hoaz peurlavaret mad,
Pa gân ar c'habon rostet oa eno war ar plad ! -
Ar Senechal a lare d'he baotr ar marchosi :
- Dibr d'in-me ma inkane, m'inn d'ober ur bale ! -
. . . . . . . . . . . . .
- Leall Marc'harit Lauranz, d'in-me a lavarfet
Piou hen deuz ho preservet, pa na oc'h ket marwet ? -
- Me a oa en em westlet d'ann itron ar Folgoat,
Hag a deuz laket d'in-me skabel endann ma zroad !

Me a oa en em westlet d'ann itron a C'houlvenn,
Hag a defoa preservet ma c'houk euz ar gordenn.
Me am euz c'hoaz prometet monet da bardona,
D'ar Ieodet ha d'ar Folgoat ha da Zantes-Anna ;

D'ar Ieodet ha d'ar Folgoat ha da Zantes-âmna,
D'ann aotro zant Matilinn prometet mad am boa. -
- Deut-c'hui ganin, Marc'harit, deut war gein ma inkane,
M'ho kasso da bardona, mar be bolante Doue.

- Oh ! me na vinn ket douget kerneubeud war ma zroad,
Met war benno ma daoulinn, mar ghell ma c'halon pad.
. . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . .
Kriz a vije ar galon, mar n' deuje da oela
'Welet Marc'harit Lauranz o vont da bardona,
War benno hi daoulin-noaz, o c'heuil un inkane....
Kriz a vije ar galon , kriz kaer, mar na oelje ! ..... (1)

(1) Une autre version se termine ainsi :

Ar c'hloaregik a lare, p'arrue er Folgoat ;
- Arru e Marc'haridik, eme-z-han, er Folgoat :
Arru e Marc'haridik, eme-z-ban, er Folgôat,
Me 'wel roudou hi daoulin er vein-bez hag er c'hoad !

Hep alc'houez na den-bed, tigorre 'nn orojou,
Ar c'hleier a zoone, ha n'oa den war ho zro ! -
Marc'haridik 'lare etal an aoter vraz :
- Gret 'm euz ma holl zroiou, nemet da Sant-Weltas ;

Gret 'm euz ma holl zroiou, nemet da Sant-Weltas,
Di am euz prometet kent merwel monet c'hoas..... -
I
Ecoutez, et vous entendrez, et vous entendrez chanter
Un gwerz nouvellement composé l'année présente,
A Marguerite Laurent, qui a été attachée à la potence,
Pour un couvert d'argent, volé au manoir.

II
Le Jeune clerc disait, en passant près de la potence :
- La bénédiction de Dieu soit sur ton âme, Marguerite Laurent!
La bénédiction de Dieu soit sur ton âme, Marguerite Laurent,
Nous avons fait ensemble bien des tours de danse !

- Vous n'avez pas besoin, clerc, de prier sur mon âme,
Je suis aussi heureuse ici que vous l'êtes là ;
Voilà trois jours et trois nuits que je suis pendue ici,
Mais, grâce à sainte Anne, je n'ai pas eu de mal !

Allez à présent, clerc, allez au manoir,
Pour me faire détacher de la potence. -

III
Le jeune clerc disait, eu arrivant au manoir :
- Je suis envoyé ici de la part de Marguerite Laurent,
Qui est depuis trois jours et trois nuits là-bas à la potence,
Mais, grâce à sainte Anne, elle n'a pas eu de mal.

Le Sénéchal disait au clerc, ce jour-là :
- Je ne te croirai pas, jeune clerc, quand tu parles ainsi,
Jusqu'à ce qu'ait chanté le chapon rôti que voilà sur ce plat ;
Non, je ne te croirai pas, je le jure, ô jeune clerc menteur ! -

Il n'avait pas encore fini de parler
Quand chanta le chapon rôti qui était là sur un plat ! -
Le Sénéchal disait à son garçon d'écurie :
Selle-moi ma haquenée, que j'aille faire un tour ! -
. . . . . . . . . . . . .
En vérité, Marguerite Laurent, me direz-vous
Qui vous a préservée, puisque vous n'êtes pas morte ? -
- Je m'étais vouée à Notre-Dame du Folgoat ,
Et elle m'a mis un escabeau sous mes pieds !

Je m'étais vouée à Notre-Dame de Goulven,
Et elle a préservé mon cou contre la corde.
J'ai encore promis d'aller aux pardons
Du Guéodet, du Folgoat et de Sainte-Anne;

J'ai promis d'aller au Guéodet, au Folgoat , à Sainte-Anne,
Et j'ai aussi promis à monsieur saint Mathurin (de Moncontour) -
- Venez avec moi, Marguerite, venez sur ma haquenée,
Je vous conduirai à ces lieux, s'il plait à Dieu ! -

Oh ! je ne serai pas portée, je n'irai même à pied,
Mais sur mes genoux, si mon coeur peut résister. -
. . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . .
Dur eût été le coeur de celui qui n'eût pleuré
En voyant Marguerite Laurent aller au pardon,
Sur ses genoux nus, suivant une haquenée.....
Oui, dur eût été, bien dur, le coeur de celui qui n'eût pleuré ! (1)

(1) Une autre version se termine ainsi :

Le jeune clerc disait, en arrivant au Folgoat :
- Marguerite est arrivée, dit-il, au Folgoat ;
Marguerite est arrivée, dit-il, au Folgoat. -
Je vois les traces de ses genoux sur les pierres tombales et dans le bois!

Sans clef, ni personne pour les ouvrir, s'ouvraient les portes.
Et les cloches sonnaient d'elles-mêmes ! -
Marguerite disait, auprès du grand autel :
- J'ai fait tous mes tours (pèlerinages), si ce n'est à Saint-Gildas;

J'ai fait tous les tours, si ce n'est à Saint-Gildas,
Où j'ai promis d'aller encore avant de mourir.....



Le sujet


Voir la traduction
Note de Luzel
Cette légende du chapon rôti qui chante sur la table du Sénéchal, ou à la broche, suivant d'autres leçons, est-elle d'origine bretonne ? Je ne sais, mais on la trouve aussi en Espagne, où elle passa de la légende de saint Dominique de La Calzada dans celle de saint Jacques de Compostelle. Des pèlerins bretons l'auront peut-être apportée de Santiago en Bretagne. Un poëte anglais, un poëte lauréat, Robert Southey, a trouvé dans cet épisode, puisé dans le Martyrologium Hispanicum de Tormaïo Salacar, le sujet d'un poëme, qui porte dans ces oeuvres le titre de The Pilgrim to Compostello, et dont voici en quelques mots la fable :
Des pèlerins de France, le père, la mère et le fils, se rendant à Saint- Jacques de Compostelle, s'arrêtent à une posada, ou auberge, tenue par une femme que le poëte nous fait connaître, en disant qu'elle eût été la digne fille de Lady Putiphar. Cette femme trouve dans le plus jeune des trois pèlerins la vertu de Joseph, et, furieuse de ses refus, le dénonce comme voleur à l'alcade. L'alcade le condamne à la potence ; et il est pendu, après avoir obtenu préalablement de son père et de sa mère qu'ils continueront leur pèlerinage, ce qu'ils font en effet. Mais à leur retour, ils retrouvent leur fils encore vivant, et qui les console, en leur disant, d'un air content, qu'il les attendait patiemment depuis six semaines. Quoique je ne puisse pas me plaindre, dit-il, d'être fatigué, et que mon cou ne me fasse pas le moindre mal, allez trouver l'alcade, ce juge si prompt à juger injustement, et dites-lui que saint Jacques de Compostelle m'a sauvé, et qu'il faut enfin me descendre du gibet. Or, l'alcade venait de s'asseoir à table, et commençait son dîner. Il levait déjà le couteau sur le plat de rôti. Dans ce plat étaient deux volailles, un coq et sa poule fidèle, qui le matin encore chantaient dans la basse-cour. L'alcade refuse de croire que Santiago fasse ainsi des miracles en faveur d'un Français et d'un voleur. « Je croirais aussi aisément, dit-il, que ce coq et cette poule pourraient revenir à la vie ! ». Soudain le coq se lève, et chante, et sort du plat, suivi de sa poule !

Dans le Barzaz Breiz, cet épisode se trouve dans la pièce qui a pour titre Notre-Dame du Folgoat (p. 272, 6è édit.), et qui correspond aux trois pièces qui vont suivre, Annaïk Kozik, Fransesa Kozik et Ann aotro ar Gerwenn


Source

Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
Chanté par le Petit Tailleur, au bourg de Plouaret, 1863
Musique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel ; air recueilli auprès de Maryvonne Nicol, de Plouguiel. Les paroles données par Duhamel ne correspondent pas au texte de Luzel