I
Le sujetL'ENFANT DE CIRE. SECONDE VERSION. Poularfeunteun disait, Un jour, à monsieur Bistigo: - D'où revenez-vous, où allez-vous, Où espérez-vous aller? - - Je vais là-bas, à la boutique, Pour choisir de l'étoffe écarlate, Avec de la dentelle d'or et d'argent, Pour ma penhérès, la charmante fille. - Si vous saviez ce que je sais, moi, Jamais plus vous ne lui achèteriez d'habit Celle-là a fait un enfant de cire, Pour vous ôter de dessus la terre ! Trois fois par jour on le réchauffe, Trois fois par jour on le pique; Et chaque fois qu'on y enfonce des épingles, Monsieur, vos jours diminuent ! - - Poularfeunteun, dites-moi, Où l'enfant a-t-il été baptisé ? - Il a été baptisé, l'enfant de cire, Dans la grande église de Tréguier; Dans la grande église de Tréguier, Au soleil et à la lumière de la lune! - Poularfeunteun, dites-moi, Qui ont été les compères? (le parrain et la marraine). - - Votre premier valet est le compère, La petite servante est la commère. - Poularfeunteun, dites moi, Qui a baptisé l'enfant? - - C'est un jeune prêtre, Pour avoir une somme d'argent, Quatre cents écus en argent blanc, Et autant en or jaune. Quatre cents écus, en argent blanc Et autant en or jaune, A eu le jeune prêtre Pour faire le baptème. - II Monsieur Bistigo, à ces mots S'en retourna à la maison; Il s'en est retourné à la maison, Et a dit à sa penhérès : - Ma fille, donnez-moi vos clefs, Les gens ont des langues de diables, - La clef de mon armoire, je l'ai perdue, La clef de mon coffre est cassée - Et la clef de mon petit bahut, Je voudrais la voir au milieu du feu ! - Monsieur Bistigo, entendant cela, Saisit une petite hache; Il a saisi une hache à tête, Et a mis en morceaux le petit bahut; Il a mis en morceaux le petit bahut, Et l'enfant de cire a été découvert. Et aussitôt de retourner en ville, Chercher les gendarmes pour prendre sa fille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . III Dur eût été le coeur de celui qui n'eût pleuré, Etant dans la ville de Tréguier, En voyant quatre corps brûler dans le feu, Pendant que les cloches sonnaient d'elles-mêmes ! Monsieur Bistigo pleurait dru, Et s'arrachait les cheveux, En voyant brûler sa penhérès, Car il n'aimait d'autre enfant qu'elle ! IV Si voulaient les habitants de Tréguier Tenir bien closes les portes de leur église, Un enfant de cire n'y aurait pas Eté baptisé au clair de la lune ! (1) Chanté par Marguerite PHILIPPE, mendiante estropiée de la commune de Pluzunet. - 1867. (Note de Luzel) (1) Il s'agit dans ces deux ballades, assez difficiles à trouver aujourd'hui, d'un envoûtement, superstition très-répandue dans le moyen-âge. La première version m'a été communiquée par mon ami M. Prosper Proux, l'auteur si original de l'excellent recueil Bombard Kerne, populaire dans nos campagnes. Il l'a recueillie à Plouigneau, dans les environs de Morlaix. On remarquera que les rôles sont en partie changés dans la seconde version. La nourrice disparaît pour faire place à monsieur Poularfeunteun, et monsieur Penfeunteun, de la première version, devient monsieur Bistigo.
SourceMusique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868 |