I
Le sujetDOM JEAN DERRIENI - Dom Jean Derrien, vous dormez Mollement sur la plume, moi je ne le fais point. - - Qu'est-ce donc à cette heure de la nuit, Qui fait du bruit à ma porte? - - C'est moi, votre mère, Dom Jean Derrien, Qui suis ici à faire pénitence; Qui suis à faire dure pénitence, Dom Jean Derrien, depuis 1'heure de ma mort - Ma pauvre mère, dites-moi, Que vous manque-t-il ? - - Autrefois, quand j'étais dans ce monde-là, J'avais fait un voeu D'aller à Saint-Jacques de Turquie; (1) La route est longue et c'est bien 1oin d'ici - Ma pauvre mère, dites-moi, Servirait-il d'y aller moi-même ? - - Oui , cela servirait, Comme si j'y étais allée moi-même. - Dom Jean Derrien disait A son père et à sa soeur, ce jour-là: - Mon père, ma soeur, si vous m'aimez, Donnez-moi deux ou trois cents écus ; Donnez-moi deux ou trois cents écus, Car j'ai un long voyage à faire. - - Maintenant donc, que vous êtes prêtre, Maintenant, mon frère, vous nous quitterez? - - Je vais à Saint-Jacques de Turquie, Pour ma mère et la vôtre. - II Comme il était en route, Il rencontra un Turc : - Choisis ou de renoncer à ta loi, Ou d'aller dans la mer, la tête la première - Je ne renoncerai pas à ma loi, Dussé-je aller dans la mer, la tête la première Dom Jean Derrien disait, Au milieu de la grande mer, couché sur le côté: - Monsieur saint Jean le bienheureux, Je voulais aller à votre maison Je vous ferai un présent, Qui sera beau, le jour de votre pardon. Je vous donnerai une ceinture de cire, Qui fera le tour de toute votre terre; Le tour de votre maison et du cimetière, Et de toute votre terre bénite; Qui fera une ou deux fois le tour de votre maison, Et viendra se nouer au crucifix! - A peine avait-il fini de parler, Qu'il fut rendu dans l'église (de Saint-Jacques). III Dom Jean Derrien disait, En arrivant à Saint-Jacques : - Si j'avais du vin et un calice, Et quelqu'un pour me répondre la messe Il n'avait pas fini de parler, Que vin et calice lui sont arrivés; Que vin et calice lui sont arrivés, Avec un ange pour servir la messe! Sa messe n'était pas encore terminée, Que sa mère lui est apparue : - Courage, mon fils, courage Tu as délivré l'âme de ta mère ! Tu as délivré l'âme de ta mère, Et sauvé la tienne propre ! - Dom Jean Derrien disait Ce jour-là, à saint Jacques : - Monsieur saint Jacques le bienheureux, Faites encore un miracle en ma faveur : Qu'il vous plaise que je retourne chez moi, Et je vous ferai un beau présent. Je vous donnerai une bannière blanche, Avec sept clochettes d'argent à ses extrémités; Avec sept clochettes d'argent à ses extrémités, Et une tige de genêt (ou de baleine) pour le porter; Je vous donnerai une lampe d'or fin, La plus belle qui sera à la foire de Quintin Et des garnitures pour vos sept autels, Avec une messe chaque vendredi! - Il n'avait pas fini de parler, Qu'il se trouva au seuil de la maison de son père Il fut transporté chez son père, Suant l'eau et le sang ! Dès que sa soeur le vit, Elle accourut pour l'essuyer, Elle prit aussitôt un linge blanc, Pour l'essuyer complètement. - Ma pauvre soeur, ne m'essuyez point, Jusqu'à ce que j'aie ma sueur de noces (2). J'ai délivré l'âme de ma mère Et sauvé la mienne propre ! - Que Dieu pardonne à toutes les pauvres âmes, Son pauvre corps est sur les tréteaux funèbres; Il est maintenant devant Dieu, Et puissions-nous tous y aller aussi ! (1) Ce saint Jacques de Turquie, ne serait-ce pas saint Jacques de Compostelle? (2) Ce vers est sans doute altéré. Je ne comprends pas ce que peut signifier cette sueur de noces, à moins que ce ne soit la sueur de la mort.
SourceMusique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
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