Buhé er voraerion e zo trist ér bed-man
Bepred pell doh o zud, édan glaù hag arnañù
Aveid gounid bara, bara d'o bugalé
Red é dehé lemel ag o bro ha balé
Kenevo e larant ha chetu ind ér vag
N'é ket en ér eité d'o-doud ur galon gwag
Lakaad e hrant de ouél, lavagnon pé kalm-chok :
Araog breman, mem bag, araog, penn é kornog !
Er voéz beur ar en aod, heb skuihein, én hé saù,
Doh er vag é pellaad e sell, e sell ataù ;
Hé halon zo mouget én ur mor a hlahar
Hag ar hé bougenneu, rédeg e hra un dar
En aùél e hwitell é fardaj er gwerni ;
Er mestr e lar : "Paotred, liù arnañù zo arn'hi ;
Hénoah é saùo béh ; 'n em lakam prest enta"
Hag oll er voraerion e bed Santéz Anna
Breman ar er mor braz é mant én o unan
Ne wéler a bep tu med er mor hag en néañù,
Stertoh-stert ér gouélieu aùél er méz e hwéh,
En houlenneu e foeñù hag en noz du e gouéh
Ha pen da de gemér er hart de hantér-noz,
Eid ma ei er rérall en tammig de repoz,
Er moraer, é chonjal én é vro ken bourruz,
E gan én noz, goustad, ur werzenn hirvouduz :
"Tèr leù ér méz taolet, tèr leù doh en Douar braz,
Me énézenn e saù, du é kreiz er mor glaz ;
Er herreg astennet tro-ha-tro hi gouarn kloz
Doh en houlenneu gouéù hag e ruill dé ha noz
Emesk oll er broieu en em strèu dré er Bed,
Naren, n'en-des nikun hag e zo ken karet ;
O mem broig ha Hroé, a pen don pell dohout,
Klañù on, ha e halon heb éhan e hirvoud
O me énéz kollet du-zé é kreiz er mor
Pegourz é touarin-mé én ha berhér digor ?
Pehér é anaùin tan ha dourieu, mem bro
Ken splann é du en noz ? Pegourz é tin éndro ?..."
Hag hunvréal e hra er peurkeh martelod
D'é voéz en-des lesket é ouélein ar en aod
D'é vugalé vihan, leùiné é galon,
D'é di liùet é gwenn e gousk ér stankenn don...
Er vag-hi, e ya 'taù didan deulagad Doui,
Tro d'er gouélieu tolpet, en Eled hé hondui ;
Santéz Anna, gwir vamm, e zousa en aùél,
Ha mond e hrant elsé, heb aon én noz téoél...
Labourerion er mor, michérerion kaled,
Peh kalon e zo deoh, ha penaoz é hellet
Chomel èlsé bamdé én ankén, ér marù mem ?...
"Ni 'gred é Doué on Tad, ha Eañ e ra nerh dem"
Le sujet
La vie des marins est triste en ce monde
Toujours loin de leur famille, sous la pluie et l'orage
Pour gagner leur pain, le pain de leurs enfants,
Il leur faut quitter le pays, et voyager
Ils disent au revoir, et les voilà dans le bateau
Ce n'est pas l'heure pour eux d'avoir le coeur mou ;
Ils mettent à la voile, que la mer soit houleuse ou calme :
En avant à présent, ma barque, en avant, cap à l'ouest !
La pauvre épouse sur la côte, sans se lasser, debout,
Regarde, regarde toujours le bateau qui s'éloigne
Son coeur est étouffé dans une mer de douleur
Et sur ses joues coule une larme
Le vent siffle dans les agrès ;
Le patron dit : "Garçons, il y a apparence d'orage ;
Ce soir il fera dur ; mettons-nous donc prêts"
Et tous les marins prient Sainte Anne
Maintenant sur l'océan ils sont tout seuls
On ne voit de toutes parts que le ciel et l'eau
De plus en plus fort dans les voiles le vent du large souffle
Les vagues s'enflent et la nuit noire tombe
Et quand à minuit ils viennent prendre le quart
Pour que les autres aillent un peu se reposer
Le marin, songeant à sa patrie si agréable,
Chante doucement dans la nuit une gwerze mélancolique :
"Trois lieues au large jetée, à trois lieues de la Grande-Terre,
Mon île se dresse noire au milieu de la mer verte ;
Les rochers alongés tout autour la gardent soigneusement
Des vagues sauvages qui jour et nuit déferlent
Parmi toutes les patries qui couvrent le monde
Non, il n'en est aucune qui soit tant aimée !
O mon petit pays de Groix, quand je suis loin de toi,
Je suis malade et mon coeur gémit sans cesse
O mon île perdue là-bas au milieu de la mer
Quand atterirai-je dans tes ports ouverts ?
Quand, ô ma patrie, reconnaîtrai-je le feu de tes phares,
Si clair dans le noir de la uit ? Quand reviendrai-je ?"
Et il rêve, le pauvre matelot,
A sa femme qu'il a laissée sur la côte, pleurante,
A ses petits enfants, allégresse de son coeur,
A sa blanche maisonnette qui dort au creux du vallon
La barque, elle, vogue toujours sous les yeux de Dieu,
Rassemblés autour des voiles, les Anges la conduisent,
Sainte Anne, vraie mère, adoucit le vent,
Et ils vont ainsi, sans peur dans la nuit ténébreuse...
Travailleurs de la mer, durs ouvriers,
Quel coeur avez-vous donc et comment pouvez-vous
Rester ainsi chaque jour dans l'angoisse, la mort même ?
"Nous croyons en Dieu notre Père, et Il nous donne de la force !"
Source
Paroles dans le recueil de Yann-Ber Kalloc'h, Ar en deùlin. La musique est celle de la version d'Alan Stivell sur E Langoned
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