Gwerz ur plac'h yaouank touellet
Complainte d'une jeune fille trompée
 

Me 'm eus bet ul lez-vamm na n'eus hini war ar bed
Teir eur a-raok an deiz ganti e vijen savet
Da vont da gerc'hat dour d'ar feunteun a Wazsavet (bis)

Pa'n arruis 'tal an dour ar feunteun oa strafuilhet
Gant mab un denjentil o abeuvriñ e gezek
Hag eñ goul diganin ha me a oa dimezet
He me oa plac'h yaouank, e respontis ne oan ket

Hag eñ tap krog em dorn d'am c'has da ur valaneg
Hag em lakaat ennañ da sellet ouzh ar stered
Pa savis ac'hane, ha me komañs da ouelañ
Aotrou Doue, 'meve, petra m'eus kollet amañ

Setu ase pemp kant skoed pere am eus kavet
Kavet war an hent bras pa oan d'ar gêr o tonet.
Birviken ne gavin pezh am eus amañ kollet (bis)

Terrupl 'ta ! va mestrez, ho kavout a ran chañchet
'Baoe ar wech diwezhañ 'm'oe an enor d'ho kwelet
Du-mañ zo manet gwin 'baoe eizet ma maeronez
Ha ma karet evañ, me gaso deoc'h ma mestrez

Gwell ve din evañ dour eus ar feunteun Wazsavet
'Vit evañ gwin cleret gant 'hini ne garan ket



Le sujet

Notes et élucubrations des auteurs et de Bourgault-Ducoudray

Nous ne croyons pas que ce gwerz soit complet, car il ne présente ni action dramatique développée, ni conclusion. Une jeune fille maltraitée par une marâtre a perdu son honneur et refusé de boire avec celui qui l'a trompée et qu'elle n'aime pas, voilà tout ! Aussi n'y attachons-nous aucune importance comme composition littéraire ; nous ne la citons que pour l'air sur lequel il nous a été chanté. On peut remarquer d'abord qu'il comprend des vers de 13 syllabes dont le premier hémistiche n'en a que 6, tandis qu'il en compte 7 habituellement. Sur l'air nous ferons les réflexions suivantes : dans l'introduction de son " Recueil de 30 mélodies populaires de la Basse-Bretagne ", M. Bourgault-Ducoudray signale les rapports frappants qu'il a trouvés entre les chansons populaires bretonnes et celles de la Grèce.

L'auteur s'exprime ainsi, page 11 :

"Je dois tout d'abord établir une distinction entre les mélodies des pays où l'on parle Gallo, c'est-à-dire un français corrompu, et celles du pays bretonnant. Le Gallo est un patois, le Breton est une langue. Les mélodies que j'ai recueillies dans le pays du patois (la partie orientale des Côtes-du-Nord) n'ont pas le caractère d'une race pure. Il en est de charmantes, mais elles accusent un mélange d'inspiration bretonne et d'inspiration française. Ce sont des mélodies demi-sang.
Si, partant d'un pays de patois, vous faites quelques lieues de plus, il arrive que vous vous trouvez transporté en plein pays bretonnant. La tournure des mélodies que vous rencontrez alors change du tout au tout. Quand vous les entendez pour la première fois, elles vous causent une impression étrange ; il s'en dégage une sorte de parfum exotique ; celles-là ont véritablement un caractère de race, ce sont des mélodies pur sang... C'est chez elles principalement qu'on retrouve les caractères de la musique antique. Des traits de ressemblance si accusés ne semblent-ils pas indiquer, entre l'art antique et la musique bretonne, un lien de parenté, une communauté d'origine ? On serait tenté de le croire si l'on remarque que la présence des mêmes tonalités et des mêmes rythmes se retrouve, non pas seulement en Grèce et en Basse-Bretagne, mais dans le Pays de Galles, en Ecosse, en Irlande, en Suède et jusque dans le coeur de la Russie. Des recueils nombreux de mélodies populaires de ces différents pays permettent de constater chez toutes, au point de vue modal et rythmique, un air de famille évident. Il paraît aujourd'hui démontré que des caractères identiques se retrouvent dans la musique primitive de tous les peuples qui composent le groupe Indo-Européen, c'est-à-dire la race Aryenne."

Nous devons signaler un fait qui confirme, non seulement l'appréciation de M. Bourgault-Ducoudray, mais donnera peut-être à sa théorie une portée plus grande qu'il ne l'a pensé : en entendant l'air du gwerz ci-dessus, nous avons été frappé par sa ressemblance avec un air chinois rapporté par M. Pouligo, Capitaine d'Infanterie de marine, tué au Tonkin, et que j'ai noté au no 39 bis. Nous ajouterons que le même officier a recueilli un certain nombre de mots tonkinois qui sont presqu'identiques avec des mots bretons de même signification : marc'h et mah en tonkinois ; "eau", dour en breton et dou ou douh en tonkinois ; tan, "feu", dans les deux idiomes. Ainsi, rapports frappants de musique et de langage entre ces deux pays placés aux antipodes l'un de l'autre.

Les linguistes admettent aujourd'hui qu'une langue indo-européenne commune a existé en Europe et a pris son origine en Asie Centrale, ou plutôt dans l'Inde proprement dite, où l'on place le berceau du genre humain. De ce qui précède, on peut induire que la langue hindoue a essaimé aussi en Asie. Nos missionnaires ont d'ailleurs remarqué maintes fois que de tous les idiomes européens actuels, le breton est celui qui offre le plus de rapports avec la langue actuelle des Hindous qui dériverait de la langue mère primitive. C'est là encore un fait curieux qu'il conviendrait de constater.

chanté par Mme LE BRAZ, de Pontrieux


Source

"Kanaouennoù Pobl", chansons recueillies par Alfred Bourgeois dans la deuxième moitié du XIXème siècle ; le recueil a été publié en 1959 à Paris