Sant Efflamm hag ar Roue Arzhur
Saint Efflamm et le Roi Arthur
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I
Ur brenin eus a Iverni,
En doa ur verc'h da zimiziñ,
Eus ar breñsezed ar vravañ,
Hag hi he anv Enoran.
Gant leizh e oa bet goulennet,
Hag holl e oant bet distaolet,
Nemet an aotrou bras Efflamm,
Mab d'ur brenin all, ha drant-flamm.
Met laket e doa en e benn
Monet da ober pinijenn,
En ur minic'hi, en ur c'hoad,
Ha mont kuit digant e c'hrweg vat
Deiz an eured, e-kreiz an noz,
An holl er gwele kousket kloz,
Deus he c'hichen e oa lammet,
Ha maez deus ar gambr, didrouz naet;
Ha maez deus ar palez eas,
Na den ebet na zihunas ;
Ha pell deus ar gev skañv ha feul,
Nemet e gi-red e e heul ;
Hag hen digouezhet gant an treazh,
Ha klask ul lestr bennak a reas :
Kaer en doa sellet a bep-tu,
Wele nikun gant an noz du.
Ken a savaz al loar en neñv,
Hag e welas en e gichen
Un arc'hig toull hag hi kollet,
Hag hi taolet ha distaolet.
Efflamm a grogas en ezhi,
Hag a bignas kerkent enni,
Ha n'oa ket c'hoazh savet an deiz,
Pa oa tostik-tost ouzh a Vreiz.
Breizh neuze a oa trubuilhet
Gant loened gouez ha dragoned,
Hag a wallgase ar c'hanton
Ha, dreist an holl, bro Lannion.
Kalz ane'o a oa bet lazhet,
Gant penn-tiern ar Vretoned,
Arzhur, a n'eus kavet e bar,
Abaoe 'mañ war an douar.
Pa zouareas sant Efflamm,
Ar roue welas oc'h emgann,
E varc'h taget en e gichen,
Gwad deus e fri, ha war e gein ;
Ul loen gouez gantañ tal-oc'h-tal,
Ul lagad ruz e-kreiz e dal,
Skantoù glas en-dro d'e zivskoaz,
Kement hag ur c'hole daou vloaz ;
E lost evel ur viñs houarn,
E veg digor rez e zivskouarn,
Skilfoù ennañ gwenn ha lemmet
Evel an hoc'h gouez, hed-ha-hed.
Tri deiz oant en kann evel-se,
Heb be'añ 'n eil 'vit egile,
Hag ar roue mont da fatañ
Pa zegoue'as Efflamm gantañ.
Ar roue Arzhur lavaras
Da sant Efflamm, dal' m'e welas :
- Plijfe deoc'h, aotro pirchindour,
Degas din-me ul lommig dour ?
- Mar plij d'an Aotrou benniget,
Dour a-walc'h a vezo kavet.-
Hag eñ da skeiñ gant penn e vazh,
Dre deir gwech, war beg ar roc'h-c'hlas
Ken a zilammas ur vammenn
Dioc'h beg ar garrek, rag-an-nen,
A dorras d'Arzhur e sec'hed,
Hag a roas de'añ nerzh ha yec'hed.
Hag eñ d'an dragon adarre,
Ha plantañ 'n e veg e gleze ;
Ken a laoskas ur skrijadenn,
Ha 'kouezhas er mor war e benn.
Ar roue pa'n deus hen lazhet,
D'an den Doue en deus lâret :
- Deut, m'ho ped, da balez Arzhur,
M'ho lakay en ho plijadur.
- Salokras, aotrou, na in ket,
D'al lean am eus soñj monet.
Mar plij ganeoc'h, me a chomo
Er roz-mañ, keit ha ma vin bev.-
II
Enoran oa souezhet bras,
Tronoz-beure, pa zihunas,
O c'houzout petra oa digouet,
Na pelec'h oa aet he fried.
Evel ma red dour er gwazioù,
E ro he daoulagad daeloù
Dre ma oa, siwazh de'i! losket,
Gant he mignon, hag he fried.
Gouelañ devoa graet pad an deiz,
Heb kavout frealz d'he ene.
Goelañ goude koan devoa graet,
Hep gallout be'añ diboaniet.
Ken a goue'as kousket skuizh-tre,
Hag a zeuas de'i un huñvre :
Gwelet he gwaz en he c'hichen
Ker kaer evel an heol melen,
Hag e lare: - Deut-hu gane,
Mar fell deoc'h miret ho ene ;
Deut, heb dale 'bet, war ar maez,
Da ober ho silvidigezh.-
Ha hi, dre hun, da lavaret:
- Mont a rin ganeoc'h, va fried
Lec'h a gerfet, da leanez,
Da ober va zilvidigezh.-
Ar re gozh o deus lavaret
Penaos e oa hi bet douget,
Hag hi kousket, dreist ar mor bras,
Gant an aelez, da zor he gwaz.
Toull dor he gwaz pa zihunas,
Tri zaol war an nor a reas
- Me zo ho tous hag ho pried
A zo gant Doue digaset.-
Hag eñ d'he anaout dioc'h he mouezh,
Ha da sevel kerkent, ha maez,
Hag e zorn 'n he dorn e lakae,
Gant komzoù kaer demeus Doue.
Goude 'savas ul lojig de'i,
'Tal e hini, a gostez kleiz,
Tal ar feunteun, gant balan glas,
En ur wasked, dreñv ar roc'h c'hlas.
Pellik meur e chomjont eno,
Ken a yeaz brud dre ar vro
Eus ar burzhudoù devoant graet,
Ha oant bemdez darempredet.
Un noz an dud oa war ar mor
A welas an neñvoù digor,
Hag e klefjont meuleudioù,
Ken a oant bamet o selaou
Hag antronoz ur baourez gaezh,
Hag hi kollet ganti he laezh,
He bugel o vont da zemplañ
A zeuas da gaout Enoran.
Kaer he doa gervel toull an nor
Na deue gour evit digor
Ken a welas dre un toullig
An itron stouet marv-mik,
Hi ker kaer hag an heol melen ;
Hag al loj leun a sklerijenn
Hag ur paotrig gwisket e gwenn,
War e zaoulin en he c'hichen.
Ha hi da ziblas, en ur red
Da gavout Efflamm benniget
Digor-kaer oa dor ar mini
Hag eñ marv 'vel e hini
An traou-mañ ma n'ankounac'hor,
N'emaint bet biskoazh e neb levr,
Lakeat int bet e gwerzoù,
Da ve'añ kanet en ilizoù.
Le sujet
1
Un roi d'Irlande avait une fille à marier ; c'était la plus belle des princesses ; elle se nommait Enora.
Beaucoup l'avaient demandée, et elle avait refusé tous les partis, à l'exception du grand seigneur Efflamm, roi étranger, et qui était jeune et beau.
Mais il avait formé le projet d'aller faire pénitence en un hermitage, au fond de quelque bois, et de quitter sa chère femme.
Au milieu de la nuit même des noces, comme tout le monde était couché et dormait d'un profond sommeil, il se leva d'auprès d'elle, et sortit de la chambre sans faire de bruit ;
Et il sortit du palais sans éveiller personne, et s'éloigna rapidement sans autre compagnon que son lévrier
Et il vint au rivage, et chercha un vaisseau ; mais il avait beau regarder de tout côté, il n'en voyait aucun, car la nuit était noire.
Quand la lune se leva dans le ciel, il aperçut auprès de lui un petit coffre percé, perdu et ballotté par les flots.
Il l'attira à lui et y monta incontinent ; et le jour n'était pas levé, qu'il était sur le point d'arriver en Bretagne.
La Bretagne était alors ravagée par des animaux sauvages et des dragons qui désolaient tout le canton, et surtout le pays de Lannion.
Beaucoup d'entre eux avaient été tués par le chef suprême des Bretons, Arthur, qui n'a pas encore trouvé son pareil depuis qu'il est sur la terre.
Quand saint Efflamm prit terre, il vit le roi qui combattait, son cheval à ses côtés étranglé, renversé sur le dos, rendant le sang par les naseaux ;
Devant lui face à face un animal sauvage avec un oeil rouge au milieu du front, des écailles vertes autour des épaules, et la taille d'un taureau de deux ans ;
La queue tordue comme une vis de fer, la gueule fendue jusqu'aux oreilles, et armée, dans toute son étendue, de défenses blanches et aiguës, comme celles du sanglier.
Il y avait trois jours qu'ils combattaient ainsi sans pouvoir se vaincre l'un l'autre ; et le roi allait s'évanouir, lorsque arriva Efflamm.
Quand le roi Arthur vit saint Efflamm, il lui dit: - Voudriez-vous, seigneur pèlerin, me donner une goutte d'eau ?
- Avec l'aide du Seigneur, Dieu béni, je vous trouverai de l'eau. -
Et lui de frapper du bout de son bourdon, par trois fois, la roche verte à son sommet,
Si bien qu'une source jaillit à l'instant du sommet du rocher, qui désaltéra Arthur et lui rendit force et santé.
Et lui de fondre de nouveau sur le dragon, et de lui enfoncer son épée dans la gueule, si bien que le monstre jeta un cri et roula dans la mer, la tête la première.
Le roi, après l'avoir tué, dit à l'homme de Dieu - Suivez-moi,je vous prie, au palais d'Arthur ; je veux faire votre bonheur.
- Sauf votre grâce, seigneur, je ne vous suivrai point ; je désire me faire ermite ; si vous le permettez, je passerai toute ma vie sur cette colline. -
II
Enora fut bien surprise, le lendemain matin à son réveil, demandant ce qui était arrivé et ce qu'était devenu son mari.
Comme l'eau coule dans les ruisseaux, les larmes coulaient de ses yeux, délaissée qu'elle était, hélas par son ami et son époux.
Elle pleura pendant toute la journée sans trouver de consolation à son âme ; la nuit elle pleura sans que l'on pût la consoler.
Enfin elle s'endormit de lassitude, et eut un songe. Elle vit son mari debout près d'elle, aussi beau que le blond soleil,
Et il lui disait: - Suivez-moi, si vous voulez ne pas perdre votre âme ; suivez-moi sans retard dans la solitude pour travailler à votre salut.
Et elle de répliquer dans son sommeil : - Je vous suivrai, mon ami, où vous voudrez ; je me ferai religieuse pour travailler à mon salut. -
Les vieillards ont dit comment les anges la portèrent, endormie dans leurs bras, par-delà la grande mer, et la déposèrent sur le seuil de l'ermitage de son mari.
Quand elle se réveilla au seuil de l'ermitage de son mari, elle frappa trois coups à la porte :
- Je suis votre douce et votre femme, que Dieu a amenée ici. -
Et lui de la reconnaître à sa voix, et de se lever bien vite, et de sortir ; et, avec de belles paroles sur Dieu, il mit sa main dans sa main.
Puis il lui éleva une petite cabane près de la sienne, à gauche, au bord de la fontaine, couverte de genêts verts, à l'abri, derrière la roche verte.
Ils restèrent là longtemps ; enfin, le bruit des miracles qu'ils faisaient se répandit dans le pays, et on venait chaque jour les visiter.
Une nuit, les hommes qui étaient sur la mer virent le ciel s'ouvrir ; et ils entendirent des concerts qui les ravirent de bonheur.
Le lendemain matin, une pauvre femme qui avait perdu son lait vint trouver Enora, portant son petit enfant sur le point de mourir.
Elle avait beau appeler à la porte, Enora ne venait point ouvrir; elle regarda par un petit trou, et vit la dame étendue morte,
Aussi belle que le blond soleil, et toute la cabane éclairée, et près d'elle à genoux, un petit garçon vêtu de blanc.
Et elle de courir pour avertir le bienheureux Efflamm ; mais la porte de l'ermitage était grande ouverte, et il était mort comme sa femme.
Afin qu'on n'oublie point ces choses, qui n'ont jamais été consignées dans aucun livre, on les a mises en vers, pour être chantées dans les églises.
Source
Extrait du "Barzhaz Breizh", le premier grand recueil de chansons bretonnes,
publié en 1839 par Hersart de la Villemarqué
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