I
Le sujetSAINT MATHURIN DE MONCONTOUR.- Mon père et ma mère, je vous demande congé Pour aller au pardon ; Pour aller au grand pardon de Tréguier, Mon frère nourricier m'accompagnera; Mon frère nourricier m'accompagnera, Avec tous les jeunes gens du quartier. - Vous n'irez pas vu grand pardon, Car le vent souffle du côté du Guéodet. De grands malheurs sont arrivés, Une embarcation pleine de monde s'est perdue; Une embarcation pleine de jeunes gens, Il y en avait cent-sept ! Ils ont péri sans le sacrement de l'extrême-onction, Et pourtant il y avait des prêtres présents ! Ce qui excitait le plus ma compassion, C'était une jeune femme qui se trouvait parmi eux; Une jeune femme qui était parmi eux, Et qui était enceinte ! Quand l'embarcation descendait au fond de l'eau, Elle priait Dieu de la secourir; Elle priait Dieu de lui venir en aide, Avec saint Mathurin de Moncontour. - - Monsieur saint Mathurin de Moncontour, Vous qui êtes le maître du vent et de l'eau, Préservez-moi mon innocent, Qui est au fond de l'eau, sans baptême; Et je vous ferai un présent, Qui sera beau le jour de votre pardon Je vous donnerai en présent Un calice d'or et un ostensoir; Je vous donnerai une bannière blanche, Avec sept clochettes d'argent à chaque extrémité Avec sept clochettes d'argent à chaque extrémité, Et une tige de baleine pour la porter. Je vous donnerai une bannière rouge, Qui sera dorée des deux côtés; Je vous donnerai une ceinture de cire, Qui fera trois fois le tour de votre terre; Qui fera trois fois le tour de votre cimetière et de votre chapelle, Et trois tours à la tige du crucifix; Trois tours à la tige du crucifix, Et viendra allumer sur l'autel ! - Elle avait à peine fini de parier, Qu'elle fut transportée sur le rivage de Saint-Jean (2) Avec son enfant sur ses genoux, Au rivage de Saint-Jean, sur la grève. L'enfant tenait à la main une branche de varech vert, Pour montrer qu'il était né dans la grande mer. Elle l'a caché dans son sein, Et l'a emporté chez elle. Et, en arrivant à la maison, Elle l'a mis dans son lit : - Reste-là, mon enfant, Moi, je vais encore à Moncontour, A pied, sans chaussure et sans bas, Et sur mes genoux, si je puis résister ! - II En arrivant à Moncontour, Elle a fait trois fois le tour de l'église; Elle a fait trois fois le tour de l'église, Et on aurait pu la suivre aux traces de son sang; De ses genoux coulait le sang, Et de ses yeux tombaient les larmes ! - Monsieur saint Mathurin le bienheureux, Je ne puis entrer dans votre maison, Car bien closes sont vos portes, Et vos fenêtres aussi..... - Elle avait à peine fini de parler, Que les cloches se sont mises à sonner; Et tout le monde disait dans le pays : - Encore quelque nouveau miracle! Encore quelque nouveau miracle, Saint Mathurin en fait tous les jours ! - La porte principale a été ouverte, Et la procession est venue la prendre; La procession est venue la prendre, Et son coeur s'est brisé ! Que Dieu pardonne à son âme, Son pauvre corps est sur les tréteaux funèbres! Elle est ensevelie et mise au tombeau, Et la bénédiction de Dieu soit sur son âme (3) ! Chanté par Francois Le Roy, laboureur, 70 ans, Plouaret, 1847. (1) Ce mot est composé de maro et de skaonn, mortis scamnum, mot à mot escabeau de la mort, tréteaux funèbres. (2) Saint-Jean du Doigt, arrondissement de Morlaix (3) Ces quatre derniers vers sont une formule qu'on rencontre fréquemment dans nos chants populaires, et que le chanteur ajoute souvent de sa propre autorité. L'auditoire y répond ordinairement : Amen!
SourceMusique dans "Musiques bretonnes", de Maurice Duhamel Paroles extraites des "Gwerziou Breiz-Izel", de François-Marie Luzel, publié en 1868
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