Seziz Gwengamp
Le siège de Guingamp
|
|
Porzhier, digoret an nor-mañ!
An Aotrou Rohan zo amañ,
Ha daouzek mil soudard gantañ,
Da lakaat seziz war Wengamp.
- An nor-mañ na vo digoret
Na deoc'h na da zen all ebet,
Ken na lâro dukez Anna,
A zo mestrez war ar gêr-mañ.
- Digoret vo ar perzhier-mañ
D'ar priñs diwirion zo amañ
Ha daouzek mil soudard gantañ,
Da lakaat seziz war Wengamp ?
- Va dorioù a zo morailhet,
Va mogerioù zo kreñvaet,
Fae ve ganin deus o c'hlevet
Gwengamp na vo ket kemeret.
Na pa vent triwec'h miz aze,
Na ve ket kemeret gante
Karget ho kanol ; poan ha bec'h !
Ha gwelomp piv en devo nec'h !
- Tregont boled a zo amañ,
Tregont boled 'vit e gargan
Poultr na vank, na plom tamm ebet
Na staen da ober kenneubet. -
Tre m'ed'o tistroiñ ha pignet,
Gant un tenn poultrenn oe tizhet,
Gant un tenn poultr demeuz ar c'hamp,
Gant un den anvet Goazgaram.
Dukez Anna a lavare
Da c'hwreg ar c'hanolier neuze :
- Aotrou Doue ! petra vo graet ?
Setu ho pried paour tizhet !
- Na pa ve ma fried marv,
Me rafe ma-un' en e dro
Hag e ganol me e gargo,
Tan ha kurun ! ha ni welo !
Oa ket he ger peurachuet,
Ar mogerioù zo bet freuzet,
An norioù a zo bet torret
Ha leun ar gêr a zoudarded.
- Deoc'h, soudarded, ar merc'hed koant,
Ha din an aour hag an argant,
Hag holl teñzorioù kêr Wengamp,
Hag ouspenn ar gêr he-unan !-
Dukez Anna en em strinkas
War he daoulin, pa e glevas :
- Itron Varia-Gwir-Sikour,
Ma piijfe ganeoc'h, hor sikour ! -
Dukez Anna dal' ma glevas,
Trezek an iliz a redas
Ha war he daoulin 'n em stouas,
Ha war an douar yen ha noazh :
- Ha c'hwi garfe, gwerc'hez Vari,
Gwelet ho ti da varchosi,
Ho sakristi da gav gwin
Hoc'h aoter vras da daol kegin ?-
Ne oa ket peurlâret he c'her,
Ma teuas ur spont bras e kêr
Gant un tenn kanol oa laosket
Ha nav c'hant den a oa lazhet
Ha gant ar strak an euzhusañ,
Ha gant an tier o krenañ
Ha gant son-vrall an holl gleier,
O seniñ o-unan e kêr.
- Pachig, pachig, pachig bihan,
Te zo prim, ha skañv ha buan,
Kae timat da veg an tour-plad,
Da c'hout piv zo o vrañsellat.
Eus da gostez zo ur c'hleze,
Mar ka'ez den bennak aze,
Mar ka'ez den bennak o son,
Plant da gleze en e galon ! -
O vont d'al lae, eñ a gane,
O tont d'an traoñ, eñ a grene
- Beg an tour-plad edon-me bet,
Ha den ebet n'em eus gwelet;
Ha den eno n'em eus gwelet,
Nemet ar Werc'hez venniget,
Ar Werc'hez hag he mab, avat,
'Re-se a zo o vrañsellat.-
Ar priñs diwirion lavare
D'e soudarded, pa e gleve :
- Sternomp hor c'hezeg, ha d'an hent !
Ha laoskomp o zier gant ar sent -
Le sujet
- Portier, ouvrez cette porte ! C'est le sire de Rohan qui est ici, et douze mille hommes avec lui, prêts à mettre le siège devant Guingamp.
- Cette porte ne sera ouverte ni a vous ni a personne, sans un ordre de la duchesse Anne, à qui cette ville appartient.
- Ouvrira-t-on ces portes au prince félon qui est ici avec douze mille hommes, prêts a mettre le siège devant Guingamp ?
- Mes portes sont verrouillées, mes murailles crénelées ; je rougirais de les écouter; la ville de Guingamp ne sera point prise.
Quand ils passeraient là dix-huit mois, ils ne la prendraient pas ; chargez votre canon ; ça ! du courage ! et voyons qui se repentira !
- Il y a ici trente boulets, trente boulets pour le charger; de poudre, nous n'en manquons pas, non plus que de plomb ou d'étain.
Comme il revenait et montait, il fut blessé d'un coup de feu, d'un coup de feu tiré du camp par un homme appelé Goazgaram.
La duchesse Anne dit alors à l'épouse du canonnier:
- Seigneur Dieu ! que faire ? voilà votre pauvre mari blessé!
- Quand même mon mari serait mort, je saurais bien le remplacer! Son canon, je le chargerai, feu et tonnerre! et nous verrons ! -
Comme elle disait ces mots, les murailles furent brisées, les portes enfoncées ; la ville était pleine de soldats.
- A vous, soldats, les jolies filles, et à moi l'or et l'argent, tous les trésors de la ville de Guingamp, et de plus la ville elle-même ! -
La duchesse Anne se jeta à deux genoux, en l'entendant parler ainsi : - Notre-Dame de Bon-Secours, je vous en supplie, venez à notre aide! -
La duchesse Anne, en l'entendant, courut à l'église, et se jeta à deux genoux sur la terre froide et nue :
- Voudriez-vous, vierge Marie ! voir votre maison changée en écurie, votre sacristie en cellier, et votre maître-autel en table de cuisine ? -
Elle parlait encore, qu'une grande épouvante s'était emparée de la ville : un coup de canon venait d'être tiré, et neuf cents hommes étaient tués
Et c'était le plus affreux vacarme ; et les maisons tremblaient, et toutes les cloches sonnaient tumultueusement, sonnaient d'elles-mêmes dans la ville.
- Page, page, petit page, tu es léger, gaillard et vif; monte vite au haut de la tour plate,pour voir qui met les cloches en branle.
Tu portes une épée au côté ; si tu trouves quelqu'un là-haut; si tu trouves quelqu'un qui sonne, plonge-lui ton épée au coeur. -
En montant, il chantait ; en descendant, il tremblait. - Je suis monté jusqu'au haut de la tour plate, et je n'ai vu personne ;
Et je n'y ai vu personne que la Vierge bénie, que la Vierge et son fils, vraiment ; ce sont eux qui mettent les cloches en branle. -
Le prince félon dit alors à ses soldats: - Sellons nos chevaux, et en route ! et laissons leurs maisons aux saints ! -
Source
Extrait du "Barzhaz Breizh", le premier grand recueil de chansons bretonnes,
publié en 1839 par Hersart de la Villemarqué
|